Les apports de la loi ELAN (volume 2 : les apports en droit de la copropriété et de l’urbanisme)

Dans une première analyse, nous avons étudié les apports principaux de la loi ELAN en droit locatif. Il convient maintenant d’analyser les apports de cette loi en droit de la copropriété et corrélativement en droit de la construction et de l’urbanisme.

1.     Le délai de prescription

Avant l’introduction de la loi ELAN, l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 prévoyait en substance trois délais :

–         un délai général de prescription de 10 ans ;

–         un délai de deux mois pour notifier le procès-verbal d’assemblée générale à compter de la réunion de l’assemblée générale ;

–         un délai de deux mois pour contester une décision d’assemblée générale à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale ;

Désormais, sous l’emprise de la loi ELAN les deux premiers délais sont modifiés, l’article 42 prévoyant :

–         un délai général de prescription de 5 ans ;

–         un délai d’un mois pour notifier le procès-verbal d’assemblée générale à compter de la réunion d’assemblée générale ;

Le délai de deux mois pour contester une décision d’assemblée générale à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale demeure, lui, inchangé.

2.     La création d’une procédure de recouvrement de charges facilitée

En matière de recouvrement de charges, le syndicat des copropriétaires doit en principe intenter une procédure au fond pour obtenir la condamnation du copropriétaire défaillant au règlement de ses charges de copropriété, sauf à intenter une action devant le juge des référés lorsqu’il n’y a pas de contestations sérieuses.

Aussi, les procédures peuvent se multiplier lorsque le propriétaire ne règle ses charges que sous la contrainte.

La loi du 14 décembre 2000 avait créé pour aider le syndicat des copropriétaires un article 19-2 prévoyant qu’en l’absence de réponse à une mise en demeure adressée au copropriétaire dans un délai de 30 jours, l’intégralité des sommes exigibles aux termes du budget provisionnel devenaient immédiatement exigibles.

Toutefois, cette procédure ne permettant pas d’obtenir le règlement des sommes dues au titre de l’arriéré de charges antérieur à l’année en cours, elle a très peu été utilisé par les syndicats des copropriétaires lui préférant la procédure classique pour recouvrer le tout.

La loi ELAN vient élargir l’article 19-2 et permet désormais au syndicat des copropriétaires d’intenter une action devant le juge des référés (ou plus exactement statuant comme en matière de référé) 30 jours après une mise en demeure restée infructueuse pour recouvrer à la fois les charges antérieures et les charges prévisionnelles de l’année en cours si le copropriétaire ne règle pas un seul appel de fonds.

Les procédures en matière de référé vont désormais nécessairement s’intensifier avec cet article permettant au syndicat des copropriétaires de recouvrer ses sommes plus rapidement.

3.     La participation des copropriétaires aux assemblées générales

La loi ELAN souhaite faciliter et moderniser la participation des copropriétaires aux réunions d’assemblée générale.

Ainsi, elle prévoit que les copropriétaires et le syndic peuvent tous deux participer par visioconférence ou tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification.

Elle prévoit également que le copropriétaire peut voter par anticipation, avant la tenue de l’assemblée générale donc, par voie de formulaire.

Une telle disposition a été introduite à des fins de célérité et de facilitation de l’adoption des résolutions en assemblée générale.

Il n’empêche que d’un autre point de vue, ladite disposition fait fi des débats devant se tenir en assemblée générale et servant normalement à éclairer le consentement des copropriétaires sur l’adoption de la résolution en question.

En outre, si le formulaire n’indique pas précisément le sens du vote ou le caractère abstentionniste de celui-ci, il est considéré comme un vote défavorable, créant ainsi le risque de voir une résolution souhaitée par les copropriétaires rejetée en raison de la négligence de certains copropriétaires lorsqu’ils auront rempli leur formulaire.

Pire encore, si la résolution évolue substantiellement durant l’assemblée générale, le vote même favorable sera systématiquement considéré comme défavorable.

Ce qui rend donc les votes par anticipation peu fiables d’autant plus que le législateur ne définit pas ce qu’est une évolution substantielle.

4.     De nouvelles sanctions à l’encontre d’un syndic non-diligent

L’article de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que le syndic est tenu de communiquer au Conseil syndical tous les documents intéressant le syndicat des copropriétaires.

En cas de non-communication de documents dans le délai d’un mois à compter de la demande du Conseil syndical, le syndic encourra des pénalités par jour de retard dont les modalités sont fixées par décret.

5.     Les modifications concernant le vote en assemblée générale

La loi ELAN est venue apporter quelques modifications concernant le vote de certains types de résolutions.

Ainsi, tous les votes relatifs à des travaux d’économie d’énergie sont désormais votés à la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, alors qu’une distinction était opéré avant, certains l’étant à la majorité de l’article 24 et d’autres de l’article 25.

En ce qui concerne les pouvoirs en blanc, c’est-à-dire les procurations ne faisant pas état d’un mandataire désigné, qui pouvaient être donnés au syndic, ceux-ci ne sont désormais plus possible afin d’éviter que le syndic n’ait la mainmise sur le syndicat des copropriétaires.

En revanche de telles procurations pourront toujours être remises au président de séance qui pourra les distribuer après son élection.

Une même personne peut désormais recevoir plus de trois délégations si le total des voix dont il dispose, en ce compris la sienne et celles de ses mandants, est inférieur à 10 % du total des voix du syndicat des copropriétaires, pour 5 % avant la loi ELAN.

La loi ELAN permet d’ailleurs au mandataire de lui-même déléguer son vote et celui de ses mandants à un autre mandataire à condition que ce dernier respecte toujours le seuil des 10 %.

Enfin, la loi ELAN prévoit que chacun des époux copropriétaire peut recevoir personnellement des délégations, les deux époux ne pouvant toutefois atteindre 20 % du total des voix du syndicat des copropriétaires.

6.     La propriété des colonnes électriques

Alors que pouvait parfois régner un flou sur l’appartenance des colonnes électriques situées dans les copropriétés, celles-ci étant tantôt considérées par la jurisprudence comme faisant partie du réseau public de distribution, tantôt comme la propriété du syndicat des copropriétaires, la loi ELAN est venu une fois pour toute régler ce débat.

Désormais l’article L.346-2 du code de l’énergie dispose que les colonnes électriques sont pour celles mises en services après la publication de la loi toujours la propriété de la personne publique et pour celles mises en services avant l’entrée en vigueur de la loi également la propriété de la personne publique une fois un délai de deux ans écoulés après la promulgation de la loi, donc d’ici le 25 novembre 2020.

Entre temps le syndicat des copropriétaires peut toujours notifier au gestionnaire du réseau public de distribution, ENEDIS, s’il le souhaite le transfert de la propriété des colonnes électriques.

Cela permet ainsi au syndicat des copropriétaires de s’économiser des coûts important relatifs à l’entretien de ces colonnes.

7.     Les apports de la loi ELAN en matière de droit de la construction et de l’urbanisme

Nous serons ici très succincts sur ces apports qui pourraient nourrir de plus amples développements mais qui s’éloignent du droit immobilier pour se rapprocher d’avantage du droit public de l’urbanisme et de l’environnement.  

L’un des objectifs principaux de la loi ELAN est de faciliter les règles d’urbanisme afin d’accélérer les procédures de construction de logement.

A ce titre, la loi vise à limiter le nombre de recours abusifs à l’encontre des permis de construire en restreignant la notion d’intérêt à agir.

Les nuisances sonores ne pourront ainsi plus être évoquées, la notion de travaux ayant été supprimé de l’article L.600-1-2 du code de l’urbanisme.

La loi prévoit également que le juge administratif doit statuer dans un délai de 10 mois.

Elle fixe aussi comme objectif pour 2022 que les demandes de permis de construire puissent s’effectuer en ligne pour les communes dépassant 3500 habitants.

Enfin, dernier fait notable qui mérite ici d’être évoqué, la loi assouplie les conditions de transformation des bureaux vides en logement afin d’éviter que ces locaux restent inutilement vacants, fautes de pouvoir être transformés en habitations.

Les apports de la loi ELAN (volume 1 : les apports en droit locatif)

Le droit immobilier n’est pas de celles des matières du droit qui possède le foisonnement législatif le plus important. Les lois marquantes en matière de droit immobilier sont rares, ce qui les rend d’autant plus remarquables lorsqu’elles sont adoptées.

Le droit de la copropriété est ainsi toujours régi par la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété et par le décret d’application n°67-223 du 17 mars 1967. Bien sûr, des lois sont venues modifier le régime établi par ces textes, mais nombre de dispositions demeurent inchangées.

Pour analyser l’évolution juridique du droit immobilier, il faut donc d’avantage se tourner vers la jurisprudence qui nous donne des évolutions significatives, encore que ces évolutions doivent être relativisées par rapport à d’autres domaines en constante évolution comme le droit de la famille et le droit du travail où les revirements jurisprudentiels sont bien plus fréquents

Ce régime quasi figé du droit immobilier ne présente pas que des désavantages, puisque si l’on peut regretter un manque d’adaptation des normes juridiques aux évolutions de la société, on peut toutefois se réjouir d’une plus grande sécurité juridique pour les justiciables, ces derniers pouvant anticiper plus facilement la réponse qu’apporterait un juge à une question de droit qui lui serait soumise.

Toutefois, le caractère quasi figé du régime du droit immobilier semble avoir été remis en cause cette dernière décennie par le législateur semblant désormais s’enquérir d’un regain d’intérêt pour cette discipline.

Ainsi, le 29 décembre 2012 le législateur a posé une première pierre à son édifice de refonte du droit immobilier avec la loi dite « DUFLOT », suivi le 29 décembre 2014 de la loi dite « PINEL » qui sont toutes deux venues favoriser l’investissement locatif en octroyant des réductions d’impôt à travers l’instauration d’une division du territoire en 5 zones créées en fonction de la densité de la population, de la plus tendue (Zone A bis) à la moins tendue (Zone B).

Le 26 mars 2014, le législateur est venu apporter une deuxième pierre à son édifice avec la loi dite « ALUR » dont il résultera de nombreux changements significatifs au titre desquels on peut notamment citer :

  • l’encadrement de l’augmentation du prix des loyers,   
  •  l’encadrement des frais d’agence,
  • rallongement de la trêve hivernale,
  • la modification des délais de préavis,
  • la modification des délais de prescriptions en matière de recouvrement de loyers,
  •  l’encadrement des dossiers locatifs,
  • la création d’un contrat de syndic type,
  • l’encadrement des honoraires du syndic.

Le 23 novembre 2018, le législateur est venu apporter une troisième pierre à son édifice avec la loi dite « ELAN » qui va faire l’objet de la présente analyse.

Avant de commencer cette analyse, il convient de rappeler que le droit immobilier se fragmente en deux sous-disciplines, le droit locatif et le droit de la copropriété voir en trois si on lui rajoute le droit de la construction et de l’urbanisme.

Nous allons ici étudier les apports de la la loi ELAN en droit locatif

Les apports de cette loi en droit de la copropriété et en droit de la construction et de l’urbanisme feront, eux, l’objet d’une seconde étude.

Les apports de la loi ELAN en droit locatif :

1.     Encadrement des loyers

La loi ALUR de 2014 avait déjà tenté d’instaurer un dispositif d’encadrement des loyers qui n’a toutefois pas été une grande réussite.

En effet, d’une part, sa mise en place s’est avérée complexe, de sorte que seules deux villes l’avaient finalement mis en place, Paris et Lille.

D’autre part, les tribunaux administratifs ont fini par abolir ce dispositif en 2017.

La loi ELAN tente de redonner un second souffle à ce dispositif qui n’est cette fois qu’optionnel, le législateur ayant privilégié une approche plus prudente et plus flexible.

Ainsi, si l’encadrement du prix des loyers n’est pas obligatoire, le préfet peut néanmoins décider de sa mise en œuvre par arrêté à la demande des établissements publics de coopération intercommunale ou des collectivités, elles-mêmes, situées en zone tendue.

Les communes restent donc libres de choisir d’appliquer ce dispositif ou non.

Si le dispositif venait à s’appliquer, le propriétaire qui ne le respecterait pas s’exposerait alors à des condamnations pouvant s’élever jusqu’à la somme de 15.000,00 €.

Il reste maintenant à s’interroger sur la manière dont les loyers seront encadrés.

La loi apporte une réponse à cette question puisqu’elle prévoit que les loyers seront encadrés, avec une majoration et une minoration autorisées, par rapport au montant de référence fixé par l’arrêté et correspondant à un loyer médian de tous les loyers pour les appartements de même type, dont l’élaboration serait réalisée par les observatoires des locaux des loyers, observatoires qui deviennent désormais obligatoires dans toutes les zones tendues, afin d’encourager justement la mise en place de ce dispositif.

2.     La limitation du formalisme de l’engagement de caution

Le deuxième apport important que l’on peut souligner est la disparition du formalisme de l’engagement de caution.

Auparavant, l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 imposait à la caution pas moins d’une triple mention manuscrite : 

  • la reproduction du montant du loyer et des conditions de sa révision tels que figurant dans le contrat de location
  • la reproduction de la durée du cautionnement et de la faculté de le résilier unilatéralement en cas de cautionnement à durée indéterminée
  • la reproduction d’une mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance que le garant a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’il contracte.

L’oublie d’une de ces mentions manuscrites était sanctionné par la nullité de l’acte de cautionnement, sanction évidemment très lourde sur laquelle la caution essayait quasiment systématiquement de jouer pour se dégager.

Désormais, la loi n’exige plus que ces mentions soient manuscrites.

Elles doivent toujours apparaître dans l’acte de cautionnement mais peuvent être pré-rédigées, la loi se satisfaisant désormais d’une seule signature de la caution.

3.     La facilitation de l’expulsion des squatters

Désormais les occupants sans droits ni titres, familièrement appelés squatters, ne sont plus protégés par les dispositions relatives à la trêve hivernale et peuvent donc être expulsés même en hiver.

Cette disposition ne s’applique qu’aux seuls occupants sans droit ni titre et non aux locataires qui ne payent plus.

L’objectif de cette disposition est d’assurer une meilleure protection des droits des propriétaires, parfois particuliers, qui se retrouvent bloqués par des délais excessivement longs, une procédure d’expulsion pouvant prendre jusqu’à plusieurs années.

En outre, le délai de deux mois qui doit être respecté après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, étape qui rappelons le, interviens après avoir obtenu une décision d’expulsion et avant le recours à la force publique, a été supprimé pour les squatters.

S’il est louable que le législateur ait voulu ramener à une plus juste proportion les droits des propriétaires dans une matière où les locataires sont clairement mieux protégés, il n’est pas sûr que cette disposition subsiste.

En effet, la trêve hivernale avait été voté à la suite du célèbre appel de l’Abbe Pierre du 1 février 1954 afin de protéger le droit de vivre, la dignité et l’intégrité physique des personnes. Or, il est difficile de penser que la vie d’occupants sans droits ni titre vaille moins que celles d’autres personnes et notamment de locataires qui ne paient plus.

Dès lors, il n’est pas impossible que la disposition susvisée fasse l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité et soit à cette occasion potentiellement censurée.

4.     Les location type Airbnb

La réforme renforce également le contrôle des locations de courte durée afin que ce type de location ne dépasse pas les 120 nuits par an autorisées, délai au-delà duquel le logement n’est plus considéré comme une résidence principale

Ainsi, dans les communes qui ont mis en place un service de déclaration préalable pour la location d’appartements meublés de tourisme comme Paris, Lyon ou Bordeaux, la formalité devient obligatoire, le propriétaire devant en conséquence indiqué dans son annonce le numéro d’enregistrement qui lui a été délivré.

Les sanctions sont également renforcées tant pour les loueurs que pour les plateformes qui ont l’obligation de s’assurer que le numéro communiqué par l’administration soit inscrit sur les annonces.

L’usager s’expose ainsi à des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 10.000,00 € en cas de violation des dispositions précitées et la plateforme à des amendes pouvant aller jusqu’à 50.000,00 €.

5.     Bail mobilité

On peut également citer la création d’un nouveau type de contrat de bail, le bail mobilité, contrat de location de courte durée non renouvelable, conclu pour une durée comprise entre un et 10 mois, pour un logement meublé pour lequel le propriétaire ne peut pas demander de dépôt de garantie mais peut toutefois exiger une caution.

Ce type de bail a été mis en place pour les étudiants, en stage ou échange scolaire de quelques mois.

Le locataire doit justifier, à la signature du bail du caractère temporaire de son activité et peut mettre fin à tout moment au bail à condition de respecter un préavis d’un mois, alors que le propriétaire sera lui contraint de respecter l’intégralité du bail, ne pouvant donc donner congé à son locataire.

6.     Les Habitations à Loyers Modérés (HLM)

Les bailleurs sociaux sont également concernés par la loi ELAN qui souhaite regrouper ces derniers.

En outre, la loi entend favoriser la mobilité des habitants des logements sociaux et contrôler la légitimité de l’attribution desdits logements à ces derniers en imposant à la commission d’attribution des logements d’étudier le dossier des locataires tous les 3 ans afin de tenir compte de l’évolution de la situation familial et professionnelle de ceux-ci.

Les apports de la réforme du droit des obligations (1/2)

Nous avons vu dans un premier volet les apports désormais largement commentés de la réforme du droit des obligations issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 en droit des contrats. Mais l’objet de cette réforme ne se limite pas uniquement au droit des contrats, puisque bien des aspects majeurs concernent le régime général des obligations. Nous allons ici nous attraire à analyser ces principaux changements.

1.     Les obligations conditionnelles

Le législateur a opté pour une simplification du système en abandonnant la classification des conditions traditionnellement découpées comme suit :

–         casuelle

–         purement ou simplement potestative

–         mixte

Il donne à l’article 1304 du code civil une définition générale de l’obligation conditionnelle :

« L’obligation est conditionnelle lorsqu’elle dépend d’un événement futur et incertain. »

L’article 1304-1 rajoute que la condition doit être licite sous peine de nullité, mais il n’exige pas la possibilité de la réalisation de la condition, aussi ce critère de l’ancien article 1172 du code civil disparait. Si la condition est impossible celle-ci sera donc défaillante et non plus nulle.

La distinction entre condition suspensive et condition résolutoire est maintenue. Toutefois leur périmètre est modifié.

Sous l’emprise de l’ancien article 1181 la condition suspensive était celle qui dépendait ou d’un événement futur et incertain, ou d’un événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties. Dans cette seconde hypothèse l’obligation avait effet rétroactif du jour où la condition s’était réalisée et non du jour où les parties l’avaient connue.

Désormais ce n’est plus le cas, la condition suspensive est uniquement celle dont la réalisation rend l’obligation pure et simple, la rétroactivité de l’obligation ayant disparu sauf convention contraire.

La condition résolutoire est celle qui par sa réalisation entraine l’anéantissement de l’obligation. Elle demeure rétroactive comme sous l’ancien régime sauf selon l’article 1304-7 volonté contraire des parties ou pour les contrats à exécution successive.

Les conditions potestatives, bien qu’elles ne fassent plus partie de la classification des conditions, demeurent à l’article 1304-2. Si celles-ci sont toujours sanctionnées par la nullité, une exécution en connaissance de cause de l’obligation vient cependant désormais lever la nullité.

La condition se distingue de l’obligation à terme qui diffère l’exécution de l’obligation à un évènement futur et certain alors que pour cette première l’évènement est incertain. Pour l’obligation à terme si la date de l’évènement est incertaine, sa réalisation elle l’est, comme à titre d’exemple l’est le décès. Il est à noter que désormais il y a une séparation claire entre le terme suspensif traité dans la partie du régime général des obligations et le terme extinctif traité dans celle de la durée du contrat.

2.     La cession de créance et la cession de dette

La cession de créance n’est plus traitée avec la vente mais est intégrée aux dispositions relatives au régime général des obligations (articles 1321 à 1326). La principale nouveauté concerne l’opposabilité de la cession de créance. L’article 1690 qui imposait une signification par voie d’huissier ou une acceptation par acte authentique disparait pour laisser la place à un régime beaucoup moins lourd et onéreux pour le créancier cessionnaire.

Désormais le transfert de la créance est opposable dès la date de l’acte (article 1323, alinéa 2) sauf si le transfert porte sur une créance future, dans ce cas là il s’opère non pas à la date de l’acte mais à la naissance de la créance (1323).

En contrepartie de cette simplification l’écrit est désormais imposé en tant que formalité ad validitatem, son non-respect entrainant la nullité de l’acte. Par ailleurs pour que la cession produise effet, il faut que le débiteur en ait pris acte, qu’elle lui ait été notifiée, ou qu’il y ait consenti.

Rappelons que le consentement du débiteur cédé n’est aucunement une condition de validité de la cession de créance, toutefois si le débiteur a consenti à la cession cela suppose nécessairement qu’il en a eu connaissance ce qui suffit à lui rendre la cession opposable.

L’autre nouveauté est la création de la cession de dette (article 1327 à 1328-1).

Celle-ci constitue un contrat tripartite dans lequel il faut évidemment l’accord du débiteur originel et du débiteur substitué mais également celui du créancier. Ce dernier peut donner son accord par avance mais dans ce cas là, pour lui être opposable la cession devra lui être notifiée ou il devra en prendre acte.

Le débiteur originel et le débiteur substitué sont en principe tenus solidairement de la dette vis-à-vis du créancier (article 1327-2) sauf à ce que celui-ci libère expressément le débiteur originel. Enfin le créancier peut, sans libérer le débiteur originaire, consentir à ce que la solidarité soit écartée, l’obligation devenant alors conjointe et le créancier devant alors diviser ses recours, sauf si la dette est indivisible auquel cas la solidarité en peut-être écartée. Ce mécanisme consiste en réalité en une cession partielle de la dette.

3.     L’extinction de l’obligation

L’article 1342-10 vient désormais régler la question de l’ordre du paiement des dettes en cas de pluralité de celles-ci envers un même créancier. Le principe est la liberté du débiteur de choisir celles dont il entend s’acquitter, à défaut les dettes échues seront payées en priorité, puis les dettes qu’il a le plus intérêt à régler puis en cas de même intérêt à les régler les dettes les plus anciennes. Enfin si toutes les dettes sont égales l’imputation est proportionnelle.

L’article 1343 vient ensuite consacrer une disposition spécifique pour les sommes d’argent et nous confirme qu’il n’y a pas de variation de la somme due en fonction de la valorisation de la monnaie sauf s’il y a indexation ou s’il s’agit d’une dette de valeur.

Le paiement demeure quérable par principe (1342-6) toutefois le champ des exceptions est désormais si large que l’on peut s’interroger si le principe n’est pas inversé car la loi, les parties ou même le juge peuvent décider le contraire.

Si les deux premières exceptions sont logiques, la troisième en revanche laisse supposer que la quérabilité du paiement n’est plus un principe qui s’impose au juge mais plus une consigne qu’il apprécie en fonction des circonstances. Or, dans la mesure où les évolutions technologiques permettent désormais des échanges dématérialisés d’argent on peut s’interroger sur la force du principe de quérabilité.

Le législateur vient également consacrer la pratique des mises en demeure tant du débiteur que du créancier

La mise en demeure du débiteur de rendre définitivement l’obligation exigible et faire courir les intérêts légaux (1344-1). La mise en demeure du débiteur peut prendre la forme d’une sommation ou d’un acte portant interpellation suffisante selon l’article 1344, mais ni la sommation ni l’acte ne sont définis d’après cet article, aussi la définition de la mise en demeure est incomplète.

La mise en demeure du créancier, plus novatrice, est définie à l’article 1345 et vise la situation où un créancier ne veut pas recevoir le paiement du débiteur. Avant la réforme le créancier n’était pas obligé d’accepter le paiement si celui-ci n’était pas total, et même lorsqu’il l’était il pouvait le refuser et la somme devait alors être séquestrée par le débiteur jusqu’à ce qu’elle soit encaissée par le créancier.

Désormais les articles 1345 et suivants prévoient une solution plus simple puisque si le créancier refuse le paiement qui lui est fait sans juste motif, il pourra lui être fait mis en demeure de l’accepter, et s’il ne l’a toujours pas fait deux mois après la mise en demeure la somme sera consignée à la Caisse des dépôts et consignations ou si l’obligation porte sur la livraison d’une chose elle sera séquestrée chez un gardien professionnel, ce qui libère le débiteur de son obligation.

L’intérêt de la mise en demeure du créancier est qu’elle interrompt le cours des intérêts dus au créancier et met les risques à sa charge, sauf faute lourde ou dolosive du débiteur sans pour autant interrompre la prescription.

4.     La subrogation

L’ancien article 1251 prévoyait 5 cas de subrogation légale, c’est-à-dire de subrogation de plein droit : le créancier payant un autre créancier privilégié, l’acquéreur de l’immeuble payant les créanciers du vendeur, le codébiteur ayant payé la totalité de la dette, l’héritier payant les dettes de la succession de ses propres deniers et celui qui a payé les frais funéraires pour le compte de la succession de ses propres deniers.

Désormais et il s’agit d’une innovation importante, la subrogation légale est généralisée par l’article 1346 et ne se limite plus aux hypothèses précitées, mais s’applique au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie le créancier.

Dès lors la subrogation conventionnelle n’a plus lieu d’exister car la subrogation légale permet désormais d’inclure tous les cas, mais pour des raisons de sécurité juridique le législateur l’a cependant maintenue à l’article 1346-1, celle-ci devant être expresse et l’écrit devant exister avant le paiement.

La réforme apporte également un autre cas de subrogation intéressant à l’article 1346-2, celui dans lequel ce n’est pas un tiers qui est à l’origine de la subrogation mais le débiteur lui-même qui, empruntant à une tierce personne pour payer son créancier, va permettre à celui-ci d’être subrogé dans les droits du créancier originel. Une telle subrogation n’est toutefois pas généralisée, elle est nécessairement conventionnelle, elle doit être expresse et la quittance donnée par le créancier doit indiquer l’origine des fonds. 

5.     La compensation

On a désormais une définition générique de la compensation à l’article 1347 du Code civil :  » la compensation est l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personne »

Si celle-ci conserve sa rétroactivité à la date où ses conditions étaient réunies, la réforme introduit cependant une nouveauté : elle doit être invoquée.

Désormais donc, la compensation n’a plus d’effet automatique. Son invocation est une manifestation de volonté qui devra donc répondre aux conditions générales des actes juridiques comme la capacité.

Ce nouveau régime créé cependant des interrogations. Aussi peut-on se demander si une compensation dont les conditions sont réunies avant le jugement d’ouverture d’une procédure collective et qui n’a pas été invoquée à ce moment là pourrait l’être après.

La compensation s’exerce entre dettes fongibles, certaines, liquides et exigibles, (1347-1).

La compensation peut être prononcée par le juge (1348). L’avantage de cette compensation judiciaire est que le juge peut prononcer la compensation de dettes n’ayant pas tous les caractères précités et plus exactement la liquidité et l’exigibilité.

La réforme consacre ensuite la compensation de dettes connexes pour des obligations réciproques, celle-ci étant réputée se produire à la date d’exigibilité de la plus ancienne des obligations (1348-1), le juge ne pouvant dès lors refuser une telle compensation car l’une des deux dettes ne serait pas liquide ou exigible.

Enfin la compensation peut être conventionnelle (1348-2), le seul impératif étant que les dettes soient réciproques, les parties ne pouvant y déroger tout comme le juge dans la compensation judiciaire. En revanche et c’est là l’intérêt de la compensation conventionnelle, les parties peuvent rendre certaine et fongible des dettes qui ne le seraient pas. La compensation conventionnelle s’opère à compter de la date de l’accord ou pour des obligations futures à celle de leur coexistence.

6. Les quasi-contrats

L’article 1300 vient donner une définition générique des quasi-contrats : « Les quasi-contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui. »

Il résulte de cette définition que le quasi-contrat n’est pas un contrat pas plus qu’il n’est un engagement unilatéral de volonté. En effet il n’est pas un accord de volontés, pas plus qu’il est une manifestation unilatérale de volonté rendant débiteur celui qui a manifesté la volonté de s’engager car un tiers est engagé.

La définition donnée est suffisamment large pour permettre à la jurisprudence de créée d’autres quasi-contrats à l’instar de ce qu’elle fit en 2002 avec les loteries publicitaires. La réforme entend ainsi consacrer les quasi-contrats comme une source autonome d’obligations amenée à être développée par la jurisprudence.

La réforme reprend ensuite les quasi-contrats classiques et, sans les modifier profondément, les modernise un peu.

La gestion d’affaire est ainsi modernisée à l’article 1301. Il s’agit de : « Celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l’affaire d’autrui, à l’insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l’accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d’un mandataire. »

Les critères classiques de l’intervention volontaire et utile sont repris et ne nécessitent pas plus d’explication. En revanche le dernier critère pose lui plus de questions. Si la gestion d’affaire effectuée à l’insu du maître ne pose pas de difficulté celle effectuée sans opposition de sa part en pose en revanche un problème de qualification. N’est-on pas dans une telle hypothèse dans un mandat tacite admis par la jurisprudence (Cass. civ. 1re, 22 oct. 1996, n° 94-15.613.)

La réforme aligne ensuite le régime de la gestion d’affaire sur celui du contrat de mandat. La gestion d’affaire est donc un quasi mandat, qui, si elle est acceptée par le maître devient d’ailleurs un contrat de mandat à part entière.

Concernant le paiement de l’indu l’ordonnance reprend majoritairement les anciennes dispositions du code civil et n’apporte rien de nouveau si ce n’est une nouveauté terminologique bienvenue puisque l’on ne parle plus désormais d’action en répétition de l’indu mais en restitution.

Quant à l’enrichissement sans cause, la cause n’existant plus, il est devenu l’enrichissement injustifié. Le législateur a consacré la jurisprudence existante en la matière et maintien la subsidiarité de cette action aux deux précédentes et à la responsabilité civile, l’enrichissement sans cause n’intervenant dès lors qu’en dernier recours.

7. La preuve

Les règles générales du droit de la preuve restent inchangées et sont rappelées aux articles 1353 et suivants du code civil.

Si globalement cette partie n’apporte rien de nouveau par rapport aux dispositions précédentes, tout au plus peut-on noter la consécration du principe selon lequel nul ne peut se constituer de titre à lui-même à l’article 1363, il est tout de même à noter un apport majeur puisque la réforme fait entrer l’acte contresigné par l’avocat dans le code civil à l’article 1374 du code civil :

« L’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties ou par l’avocat de toutes les parties fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause. La procédure de faux prévue par le code de procédure civile lui est applicable. Cet acte est dispensé de toute mention manuscrite exigée par la loi ».

L’acte contresigné par avocat avait été créée par la loi du 28 mars 2011, mais bien qu’ayant fait beaucoup de bruit, celui-ci est demeuré finalement assez peu utilisé.

Aussi, sa consécration dans le code civil vient favoriser son développement puisque ne sont plus énumérés dans le code civil que le seul acte sous seing privé et l’acte authentique.

L’acte contresigné par avocat est un acte sous seing privé qui vient attester uniquement de la qualité des parties. Mais son grand avantage est que comme l’acte authentique, pour contester un tel acte, il faux engager la procédure de faux, très lourde, prévue par le code civil. Donc sur cet aspect l’acte contresigné par avocat et l’acte authentique ont même force probante.

Ce qui manque toujours l’acte contresigné par avocat par rapport à l’acte authentique c’est la date certaine et la force exécutoire, la première pouvant toutefois être obtenue par le procédé de l’horodatage sur la plateforme du Conseil National du Barreau.

La grosse différence est donc la force exécutoire. Mais un pas de plus a été effectué avec la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel contresignés par avocats, sans juge et enregistré par notaire, le contrôle effectué par celui-ci n’étant que purement formel.

Les notaires souhaitaient imposer la présence des parties et le contrôle du contenu de l’acte au législateur pour affirmer que la c’était bien leur validation qui donnait force exécutoire à l’acte et non la rédaction par ceux-ci des avocats.

Le garde des sceaux rappela pourtant bien dans son communiqué du 27 décembre 2016 qu’il n’appartenait pas au notaire de remplir l’office du juge et que ni les parties, ni les avocats n’avaient à se présenter devant lui.

Les apports de la réforme du droit des obligations (2/2)

Comme chacun le sait, le droit des contrats a été réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. De prime abord, le terme réforme n’est peut-être pas le plus approprié, car il s’agit, pour une grande part, d’une codification à droit constant de la jurisprudence existante en la matière. Il n’y a donc, a priori, rien de réformateur dans le texte. Pourtant, limiter l’ordonnance à une codification à droit constant serait une erreur car elle comporte bel et bien des nouveautés, voire des singularités sur lesquelles il nous faut nous attarder pour en comprendre les tenants et les aboutissants.

1.     L’application dans le temps de la réforme

La première chose sur laquelle nous devons porter notre attention est peut-être la plus simple mais il convient, toutefois, d’en cerner le contour. Il s’agit de l’application dans le temps de la réforme. Traditionnellement, la loi s’applique dès sa promulgation, ce principe découlant de l’article 2 du code civil, avec le tempérament des situations contractuelles pour lesquelles la loi ancienne survit, encore faut-il qu’il ne s’agisse pas des effets légaux des contrats qui soient concernés.

Afin éviter toute difficulté d’interprétation, l’ordonnance fixe son champ d’application temporel. Elle ne s’applique qu’à partir du 31 octobre 2016. Ainsi, tous les contrats conclus antérieurement à cette date sont soumis à la loi ancienne. Attention toutefois, car si le contrat est reconduit tacitement après le 31 octobre 2016, la nouvelle législation doit être appliquée.

2.     L’obligation d’information pré-contractuelle

Concernant cette obligation, il convient, tout d’abord, de préciser que sous l’empire de la réforme, le droit commun des contrats n’est pas systématiquement écarté par le droit spécial mais cohabite parfois avec ce dernier. C’est ainsi que l’obligation d’information pré-contractuelle posée à l’article 1112-1 du code civil coexiste avec celle posée par le code de la consommation.

S’agissant du contenu de cet article 1112-1, celui-ci vient poser une obligation générale d’information pré-contractuelle. Avant l’ordonnance de 2016, la jurisprudence considérait que l’obligation d’information dépendait du type de contrat et de la qualité des parties. Ainsi, entre le professionnel et le consommateur l’obligation d’information était importante. En revanche, celle-ci devenait moindre lorsque les deux parties étaient des particuliers ou des professionnels. Il n’y avait pas, par principe, d’obligation d’information dans ces cas-là, sous réserve de la limite de la réticence dolosive et de l’erreur. La jurisprudence avait également développé une autre limite pour une catégorie particulière de professionnels, les banquiers, lesquels étaient tenus à un devoir d’information et de mise en garde lorsqu’ils contractaient avec un professionnel non averti (c’est-à-dire ne bénéficiant pas des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques de l’opération envisagée)

En droit des sociétés, l’absence de devoir général d’information a été supplée en pratique par les « Due Diligence » qui correspondent à l’ensemble des vérifications et audits que l’acquéreur effectue auprès du vendeur avant de réaliser l’opération, le tout étant encadré par des accords de confidentialité. C’est donc la pratique qui venait suppléer la carence de la loi en la matière.

Désormais, la règle a changé avec une obligation d’information pré-contractuelle générale posée par l’article 1112-1. Cet article est une petite révolution car, à présent, il existe une obligation d’information pré-contractuelle et ce, quelle que soit la nature des parties engagées ou le type de contrat.

Celle-ci a une double dimension

·        Une dimension positive : il faut fournir des informations sur le contenu du contrat si celles-ci sont déterminantes du consentement de l’autre partie.

·        Une dimension négative : la confidentialité est attachée aux informations communiquées car celles-ci ne le sont que dans le cadre de l’opération escomptée et leur divulgation peut entraîner des dommages et intérêts.

Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 1112-1 exclue l’information quant au prix de la valeur de la prestation. Une telle exclusion est logique dans la mesure où il ne doit bien évidemment pas y avoir d’obligation de dire au vendeur que ce qu’il vend vaut en réalité plus cher, sans quoi la possibilité de faire des affaires serait remise en question.

3.     La formation du contrat

L’offre, l’acceptation et la rencontre des deux sont, désormais, définies aux articles 1113 et suivants du Code civil conformément aux évolutions jurisprudentielles en la matière.

On remarquera également l’article 1119, particulièrement intéressant, lequel appelle à quelques remarques puisqu’il évoque le cas des conditions générales de vente. Le premier alinéa précise ainsi qu’elles doivent avoir été portées par l’une des parties à la connaissance de l’autre partie, laquelle doit les avoir acceptées. Ceci invalide la pratique des conditions générales communiquées au dos des factures, le contrat étant dès lors déjà formé. Par ailleurs, l’alinéa 2 précise que si deux termes de ces conditions générales s’opposent, les deux sont alors sans effet. Cette indication appelle à la vigilance lors de la rédaction des CGV.

Concernant le silence, si le principe posé par l’article 1120 demeure qu’il ne vaut pas acceptation, les cas dans lesquels l’inverse se produit sont toutefois élargis ; désormais, le silence peut valoir acceptation en appllication de la loi, des usages mais également du comportement des parties dans le cadre de relations d’affaires ou dans le cadre de circonstances particulières.

4.     Les avant-contrats

Le pacte de préférence est défini dans le code civil à l’article 1123. Il n’y a pas d’originalité s’agissant de cet avant-contrat, la réforme se contentant de reprendre le régime élaboré par la jurisprudence en la matière, à savoir l’attribution de dommages et intérêts au bénéficiaire en cas de violation, ou si le tiers avait connaissance de l’existence du pacte de préférence, l’annulation du pacte ou la substitution du bénéficiaire au tiers.

En revanche, nous notons une évolution significative quant à la promesse unilatérale de vente : auparavant, la jurisprudence considérait cette dernière comme une promesse de faire dont la violation ne pouvait être sanctionnée que par des dommages et intérêts. L’ordonnance modifie cela et aligne le régime de cette dernière sur celui du pacte de préférence puisque l’article 1124 du Code civil juge que le contrat conclu en violation d’une telle promesse avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul. Une lecture a contrariode l’article laisse, au contraire, supposer que si le tiers n’avait pas connaissance de l’existence de la promesse unilatérale de vente, le bénéficiaire ne pourrait obtenir que des dommages et intérêts à l’instar du pacte de préférence

5.     Les vices de consentement

Il y a, d’une manière générale, peu de surprises concernant les vices du consentement dans la mesure où il s’agit uniquement d’une codification de la jurisprudence existante. L’erreur sur les qualités essentielles de la chose ou du cocontractant est ainsi consacrée à l’article 1132, alors que celle sur la valeur ou sur les motifs étrangers aux qualités essentielles est rejetée aux articles 1135 et 1136. De même, la réticence dolosive est consacrée à l’alinéa 2 de l’article 1137 et le dol du tiers de connivence est consacré à l’article 1138.

Nous relevons, toutefois, une innovation pour la violence qui mérite d’être soulignée ici. Est désormais assimilé à la violence, par l’article 1143, l’abus de l’état de dépendance. Cela fait bien évidemment écho à la violence économique consacrée par la jurisprudence en 2000. Cependant, cet article dépasse cette jurisprudence car il ne mentionne pas seulement l’état de dépendance économique du cocontractant mais aussi l’état de dépendance général. En conséquence, tout type de dépendance pourra faire l’objet d’un abus caractérisant une violence, à la condition d’arriver à démontrer que celui ayant commis l’abus en a tiré un avantage manifestement excessif. Cet article ouvre donc les possibilités en matière de violence mais laisse le soin au juge de caractériser l’état de dépendance et l’avantage manifestement excessif.

6.     Le contenu du contrat

Les concepts de la cause et de l’objet disparaissent pour laisser la place à celui de contenu du contrat, comme le mentionne l’article 1128 du Code civil.

Cette disparition est opportune dans la mesure où ces concepts, surtout celui de la cause étaient bien trop subjectifs et complexes au niveau international. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une réelle disparition car si les mots n’apparaissent plus, leur fonction demeure à travers la notion de contenu du contrat.

En effet, d’après l’article 1162, la licéité concerne tant l’objet du contrat que la cause subjective c’est-à-dire le motif du contrat car cet article dispose que le but du contrat ne peut déroger à l’ordre public, peu importe que celui-ci ait été connu ou non par toutes les parties.

L’article 1163 dispose ensuite que la prestation fournie peut être présente ou future mais doit impérativement être possible, déterminée ou déterminable. Sur ce dernier point cependant, celui-ci n’est pas nécessairement cause de nullité car l’article 1166 prévoit un palliatif : la prise en considération de la nature de la prestation, des usages et du montant de la contrepartie pour fixer la prestation du débiteur.

Sur l’équilibre des prestations, l’article 1168 estime logiquement qu’il ne s’agit pas du principe, la lésion demeurant ainsi une exception. Néanmoins, l’article 1169 nous apprend que pour les contrats à titre onéreux, si la contrepartie convenue est illusoire ou dérisoire, le contrat est nul. Il s’agit d’une consécration de la jurisprudence « point club vidéo » et « Chronopost 1 » de 1996 qui avaient participé au fameux mouvement de subjectivisation de la cause objective. Pour rappel, derrière ces termes abscons, la jurisprudence attachait de l’importance au critère de l’économie voulue des parties ainsi qu’à celui de la substance de l’obligation essentielle. A défaut de respect du premier ou d’existence du second, le contrat était nul pour absence de cause.

L’article 1169 vient ainsi consacrer les mêmes garde-fous que ceux posés par la jurisprudence passée. Le principe n’est pas l’équilibre des prestations, toutefois si la contrepartie est illusoire (comme dans « Point club Vidéo ») ou dérisoire (comme dans « Chronopost 1 ») le contrat est nul. En outre, la jurisprudence « Chronopost 1 » est on ne peut plus confirmée à l’article 1170 qui dispose « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »

Nous noterons, au passage, la consécration de la jurisprudence de la Cour de cassation de 1995 concernant la fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre. L’article 1164 introduit à cet effet est le seul article qui aborde la question du prix indépendamment de celle de l’objet en droit commun des contrats.

Cet article dispose que, pour les contrats cadre, le prix peut être fixé unilatéralement par l’une des parties à condition que celle-ci soit à même de motiver son montant en cas de contestation par l’autre partie. Si elle en est incapable et que le prix est abusif alors le juge pourra accorder des dommages et intérêts et, le cas échéant, prononcer la résolution du contrat.

7. Les clauses abusives

C’est l’un des aspects les plus commentés de la réforme du droit des contrats. Il s’agit, en effet, d’une avancée majeure, mais celle-ci laisse encore de nombreuses questions en suspens auxquelles la jurisprudence devra répondre.

L’article 1171 du nouveau Code civil dispose :

« Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.

L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

La protection contre les clauses abusives existait déjà, ainsi que chacun sait, en droit de la consommation, celle-ci ayant vocation à protéger la partie faible, le consommateur ou non-professionnel, contre la partie forte, le professionnel (article L.212-1). L’introduire dans le code civil revient donc à admettre qu’un professionnel peut se retrouver en position d’infériorité par rapport à un autre. Ils s’agit là d’une évidence, tant tous les professionnels n’ont évidemment pas le même poids dans les négociations, que le législateur a mis du temps à consacrer.

Cependant, et cela est parfois oublié, cette disposition existait déjà entre professionnels, de sorte que l’introduction de l’article 1171 dans le code civil ne constitue pas une révolution aussi importante que certains veulent bien le croire. En effet, l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce sanctionne les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. De plus, cet article ne se limite pas aux seuls contrats d’adhésion conclus entre deux professionnels. Dès lors, on peut s’interroger sur l’apport du fameux article 1171 du code civil.

La sanction semble être la véritable nouveauté introduite par cet article. Pour les contrats d’adhésion, de type CGV donc, conclus entre professionnels, les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties seront réputées non écrites. Tandis que le code de commerce ne prévoyait que l’attribution possible de dommages et intérêts, le code civil prévoit la nullité partielle du contrat pour les clauses créant un déséquilibre significatif, les autres stipulations continuant à produire leurs effets.

Le véritable enjeu qui demeure consiste en la distinction entre les clauses considérées comme abusives et celles qui ne le sont pas. S’il est judicieux d’intégrer un nouveau mécanisme dans le Code civil permettant de protéger les « petits » professionnels contre les plus « gros », le législateur n’a pas pris le soin de donner plus d’explications quant à l’application du mécanisme qu’il a introduit dans le code civil. Il existe, en droit de la consommation, des clauses dites « noires », présumées irréfragablement abusives et les clauses dites « grises », présumées abusives. Le juge adoptera-t-il une interprétation uniforme des clauses abusive entre le Code de la consommation et le Code civil, ou jugera-t-il qu’une clause qui crée un déséquilibre significatif au sens de l’article L212-1 du Code de la consommation n’en crée pas nécessairement au titre de l’article 1171 du Code civil ? Cette seconde hypothèse paraît plus probable. La problématique se noue, dès lors, entre les clauses exonératoires et limitatives de responsabilité. Si les premières seront, probablement, systématiquement considérées comme abusives par les juges, pour les deuxièmes, en revanche, la réponse est loin d’être évidente, il s’agira probablement d’une appréciation au cas par cas.

8. La représentation

La réforme du droit des contrats apporte également son lot de nouveautés en matière de représentation.

L’article 1161 du Code civil dispose :

« Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.

En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié. »

Il prohibe donc deux types de représentation :

·        la représentation est impossible si le représentant agit dans l’intérêt du représenté et dans son intérêt ;

·        la représentation est impossible si le représentant agit dans l’intérêt des deux parties au contrat pour lequel il s’entremet.

Dans ce dernier cas, la représentation est nulle sauf si la loi y déroge par des dispositions spéciales ou si le représenté l’a accepté expressément

Une telle prohibition est novatrice et, à dire vrai, assez problématique. Pensons, tout d’abord, au contrat de courtage dans lequel le courtier représente souvent les deux parties (cela correspond à la deuxième hypothèse).

S’agissant du droit des sociétés, cela pose la question des contrats/conventions (pour rappel ces deux termes veulent dire la même chose) passés entre une société et son dirigeant ou ses associés. Pour les sociétés de capital comme les SA, SAS, SARL, cela ne change, a priori, rien car ces conventions sont réglementées, c’est-à-dire encadrées par la loi quant à leur fonctionnement (L 225-38 pour les SA par exemple). En conséquence, le droit spécial écarte le droit commun.

Néanmoins, pour les sociétés pour lesquelles ces types de conventions ne sont pas réglementées, c’est-à-dire les sociétés de personne, telles que les SNC ou les sociétés en commandite simple, il faudra faire application de l’article 1161. Cela suppose donc qu’une convention conclue entre le dirigeant et la société est interdite par principe car le dirigeant est à la fois représentant de la société et partie à la convention (donc cela correspond à la première hypothèse). De même, une convention conclue entre un associé et la société est interdite si le dirigeant représente aussi l’associé (cela correspondant à la seconde hypothèse). Une autorisation de l’Assemblée Générale est alors nécessaire pour que de telles conventions puissent être conclues.

9. L’imprévision

La réforme du droit des contrats vient mettre un terme à l’application de la jurisprudence « Canal de Craponne » du 6 mars 1876 qui refusait de réviser le contrat en cas d’imprévision au nom du principe d’intangibilité des conventions.

Cette admission de l’imprévision doit être accueillie favorablement, la jurisprudence « Canal de Craponne » étant beaucoup trop rigoureuse et non respectueuse de la volonté des parties.

L’imprévision est introduite dans le Code civil en son nouvel article 1195. Cette possibilité est subordonnée à la réunion de trois conditions : il faut, d’une part, qu’il y ait un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat, d’autre part, que ce changement rende l’exécution excessivement onéreuse pour une partie et, enfin, que cette partie n’ait pas accepté d’en assumer le risque.

10. La durée du contrat

Pour le contrat à durée déterminée (article 1212 et suivants du Code civil), trois modes d’extension de sa durée de vie sont envisagés par le Code civil et la réforme

La prorogation du contrat est désormais définie à l’article 1213 comme la modification du terme du contrat avant son expiration.

L’article 1214 du code civil envisage le cas du renouvellement. Et c’est ici une véritable innovation inspirée du droit social. L’alinéa 2 de cet article prévoit ainsi que dans l’éventualité du renouvellement d’un contrat à durée déterminée dans des termes strictement identiques, alors celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Enfin, l’article 1215 donne une définition de la tacite reconduction, que le code ne définissait pas non plus auparavant. Là encore, le législateur innove quant à son régime car elle suit celui du renouvellement. Dès lors, si le contrat se maintient ne serait-ce qu’un jour après son terme, alors il devient un contrat à durée indéterminée.

Attention toutefois, le renouvellement n’entraîne pas celui de l’accessoire, notamment des sûretés.

11. Cession de contrat

Jusqu’à la réforme, la cession de contrat s’analysait comme une cession de créance et de dette simultanée ou, plus exactement, comme une cession de créance et une novation par changement de débiteur car la cession de dette était impossible.

Aujourd’hui, un nouveau montage juridique apparaît aux articles 1216 et suivants du Code civil, puisque la cession de contrat ne s’analyse plus comme cette double cession mais comme la substitution d’une partie par un tiers sans modification du lien contractuel. Le terme cession de contrat est trompeur, car ce n’est pas le contrat qui est cédé, en réalité, mais la qualité de contractant. Il ne s’agit donc pas d’une cession mais d’une substitution.

Pour pouvoir réaliser cette opération, il faut néanmoins respecter un certain nombre de conditions.

Tout d’abord, un écrit est indispensable, celui-ci étant exigé ad validitatem contrairement à la cession de dette.

Il faut également obtenir le consentement du cocontractant cédé. Ce consentement peut néanmoins être donné par avance dans le contrat une fois pour toute. Si le consentement est donné à l’avance il faudra tout de même lui notifier la cession mais cette notification n’est exigible qu’aux fins d’opposabilité et non ad validitatem.

Cette cession a pour effet de libérer le contractant ayant cédé son contrat, le cédant, qui doit obtenir l’accord express du contractant cédé, sans quoi il est débiteur solidaire avec le cessionnaire.

Il faut donc deux accords distincts du débiteur cédé, un accord de céder le contrat et un accord de libérer le cédant.

Les exceptions personnelles du cédant ne pourront être opposées par le cessionnaire, en revanche le contractant cédé pourra opposer toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.

Un tel mécanisme pourrait trouver des utilités en droit des sociétés. On pourrait penser qu’au lieu de céder des parts ou actions, on se substitue à une personne associée ou actionnaire. Il faudrait toutefois un accord préalable dans les statuts, car la société est le débiteur cédé.

Un tel schéma permettrait notamment d’éluder la question des droits d’enregistrement normalement exigibles pour une telle opération.

Cela demeure cependant purement théorique dans la mesure où l’administration fiscale s’y opposerait très certainement en considérant qu’il s’agit là d’une fraude à la loi.

12. Les sanctions de l’inexécution du contrat

Il y a désormais une partie consacrée aux sanctions de l’inexécution du contrat dans le code civil aux articles 1217 et suivants. L’article 1217 liste ces sanctions qui sont respectivement 

·        l’exception d’inexécution,

·        l’exécution forcée,

·        la réduction du prix,

·        la résolution du contrat,

·        la demande de réparation des conséquences de l’inexécution,

La force majeure est également définie à l’article 1218 du Code civil. Elle semble inclure le cas fortuit et le fait d’un tiers du moment que les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité sont remplis, l’extériorité étant abandonnée suivant la jurisprudence dominante en la matière (Cass. Ass. Plén., 14 avr. 2006, 02-11168).

L’imprévisibilité s’apprécie au moment de la conclusion du contrat.

L’irrésistibilité s’entend raisonnablement, les mesures appropriées n’ayant pas permis de résister à l’évènement.

Si l’empêchement est uniquement temporaire, le contrat est suspendu, sauf si la suspension n’est pas possible au vu de l’objet du contrat en raison des conséquences engendrées par le retard, la résolution étant dès lors la seule alternative.

L’article 1219 consacre l’exception d’inexécution de manière classique. D’une manière plus novatrice, l’article 1220 prévoit une faculté d’exception d’inexécution par anticipation. Le débiteur peut en effet suspendre l’exécution de son obligation s’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences sont suffisamment graves.

L’exécution forcée en nature envisagée à l’article 1221 du code civil devient désormais la règle. L’exécution forcée peut être demandée après mise en demeure. Elle sera appliquée sauf impossibilité ou coût manifestement excessif. L’impossibilité s’applique notamment pour les prestations de service, aussi si l’architecte ne veut pas s’exécuter il ne peut y être forcé. Cependant il est possible de déroger à l’impossibilité en procédant à une exécution par équivalent ou par un tiers envers lequel celui qui ne s’est pas exécuté est désormais débiteur.

La réduction du prix prévue à l’article 1223 est une véritable innovation. Elle consiste en une révision du contrat. Il s’agit là de l’extension d’une règle spécifique qui existait déjà en droit de la vente. Toutefois et c’est là l’innovation majeure, le créancier n’a pas à solliciter le juge, tout au plus doit-il seulement mettre en demeure son débiteur de s’exécuter, puis celle-ci étant restée infructueuse, accepter l’exécution imparfaite et notifier sa décision de réduire le prix en la motivant. Ce mécanisme est similaire à la réfaction du prix en matière commerciale jusque là interdit en matière civile.

La résolution du contrat résulte selon l’article 1224 soit d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. Il y a donc trois types de résolution du contrat :

–         la clause résolutoire qui peut être acquise après mise en demeure et constatée par le juge des référés

–         la résolution unilatérale, qui peut s’effectuer après mise en demeure si l’inexécution du débiteur est suffisamment grave et doit être notifiée en la motivant au débiteur. Celle-ci s’opère donc aux risques et périls du créancier qui doit apprécier avec prudence si l’inexécution est suffisamment grave sous peine d’être sanctionné par le juge.

–         la résolution judiciaire décidée par le juge du fond.

La véritable innovation plutôt bienvenue est bien entendue la résolution unilatérale, les deux autres mécanismes étant parfaitement classiques.

Les dommages et intérêts est une sanction classique subordonnée à la démonstration d’un préjudice qui présente l’avantage de pouvoir se cumuler aux autres sanctions. On notera toutefois qu’ils ne pourront pas se cumuler avec la clause pénale et qu’en cas d’une telle clause la somme qui devra être allouée par le juge ne pourra ni être plus forte ni moindre à cette clause, sous réserve du pouvoir de révision du juge de ladite clause.

Du Correspondant informatique et libertés au délégué à la protection des données : quels changements opérés par le règlement sur cette institution ?

Le fameux correspondant informatique et libertés (CIL) de la loi du même nom, qui avait vocation à faciliter les démarches du responsable de traitement, change de nom sous l’empire du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, et devient désormais le délégué à la protection des données (DPO : Data Protection Officer).

Outre ce changement de nomenclature, le règlement apporte des modifications substantielles à cette institution. Plus développé que sous l’empire de la loi informatique et libertés, qui ne lui consacre qu’un seul et unique article (l’article 22) le règlement lui en consacre désormais trois (articles 37,38 et 39). Dans ces dispositions il faut relever deux changements majeurs.

Le premier changement substantiel du règlement est de modifier les modalités de désignation du délégué à la protection des données et plus précisément de prévoir certains cas de désignation obligatoires (I). Le deuxième élément important qui change est l’élargissement des obligations à la charge du délégué à la protection des données (II)

I) Les modalités de désignation du délégué à la protection des donnée

a) Sur l’obligation de désigner un délégué à la protection des données

Sous l’empire de la loi informatique et libertés, la désignation d’un CIL n’est jamais obligatoire.

Toutefois désigner un CIL présente des avantages certains. Cela permet notamment au responsable de traitement, d’être dispensé d’effectuer des déclarations pour les traitements qu’il souhaite effecteur, de faciliter ses relations avec la Cnil, de participer à la mise en œuvre d’une approche qualité, d’améliorer la sécurité juridique et l’image à l’égard des tiers de l’entreprise. Cela présente aussi des inconvénients tels que la perte de vigilance du responsable de traitement qui aura tendance à se reposer sur son CIL qui pourtant n’assume pas la responsabilité du responsable de traitement. L’autre inconvénient majeur est le coût que représente le CIL car il faut pouvoir supporter son salaire.

La désignation ou non d’un CIL reste donc à la libre appréciation de chaque responsable de traitement qui effectuera une analyse coûts/avantages pour savoir s’il décide ou non d’opter pour la désignation d’un CIL.

Désormais, après d’âpres débat sur le sujet, ce ne sera plus le cas à partir de 2018, puisque le règlement prévoit des cas de désignation obligatoire du DPO. L’article 37 prévoit ainsi qu’un DPO doit être désigné par le responsable de traitement et le sous-traitant dans les cas suivants :

  • le traitement est réalisé par une autorité publique, à l’exception des tribunaux ; ou
  • l’activité cœur de métier du responsable de traitement ou du sous-traitant requiert le suivi régulier et systématique de données à une large échelle ; ou
  • l’activité cœur de métier du responsable ou du sous-traitant consiste à traiter à une large échelle des données sensibles ou relatives à des condamnations ou infractions.

On notera ici que les critères de désignation obligatoire du CIL choisis par le règlement sont volontairement flous, tout du moins pour les deux dernières hypothèses. Le règlement ne précise pas en effet, à partir de quel seuil un responsable de traitement ou un sous-traitant effectue un traitement à grande échelle. Il a voulu laisser le soin au groupe de l’article 29 (réunion des CNIL européennes) de trancher la question. On peut s’interroger sur la pertinence de ces critères alors qu’il avait été question de critères beaucoup plus précis lors des premières propositions du règlement, comme celui d’un certain seuil du nombre de salariés du responsable de traitement. Le choix de tels critères flottant pousse donc d’autant plus, les responsables de traitements, à la prudence dans leurs actions.

Conseils :

  • Les établissements tels que par exemple les établissements bancaires, amenés à traiter tous les jours et à actualiser les données de leurs clients doivent logiquement être considérés comme effectuant des traitements de données à caractère personnel avec un suivi régulier et systématique à large échelle. En revanche, aussi grand soient-il, les fichiers clients ne devraient pas, semble-t-il, être considérés comme des traitements réguliers et systématiques à large échelle, car d’une part ceux-ci ne font pas l’objet d’un suivi régulier et systématique, les fichiers clients n’étant généralement mis à jours que par les clients eux-mêmes lors d’une nouvelle commande, et d’autre part car cela ne constitue pas l’activité cœur de métier du responsable de traitement, le traitement de données n’étant ici qu’une activité support de l’activité principale de e-commerçant, à savoir la vente en ligne ;
  • Attention, tant le responsable de traitement que le sous-traitant sont concernés par la désignation obligatoire d’un délégué à la protection des données.

b) Sur le choix du délégué à la protection des données

L’article 22 de la loi informatique et libertés dispose que le choix du CIL émane du responsable de traitement et que cette décision est notifiée à la CNIL. Cependant l’article ajoute que le correspondant doit être une personne bénéficiant de certaines qualités requises pour exercer ses missions. Ainsi, Il s’agit donc d’une personne qui a une connaissance réelle de la loi Informatique et libertés et/ou qui a reçu une formation spécifique en la matière.

L’article 46 du décret d’application de la loi Informatique et libertés du 20 octobre 2005 vient donner quelques précisions supplémentaires.

Il précise notamment que ne peuvent pas être désignés comme correspondant, le responsable du traitement ou son représentant légal. De plus, les fonctions ou activités exercées concurremment par le correspondant ne doivent pas générer un conflit d’intérêt avec l’exercice de sa mission. Enfin, lorsque moins de 50 personnes participent à la mise en œuvre du traitement ou y ont accès, l’organisme est libre de désigner un CIL externe. Une convention doit alors régler les aspects techniques, économiques et juridiques de l’exercice de cette mission. Toute personne physique ou morale peut être désignée telle que des prestataires de services, des avocats ou des experts comptables.

Le règlement n’apporte pas de réels changements sur le choix du délégué à la protection des données, l’article 37 précise en effet que le délégué est désigné sur la base de ses qualités professionnelles et, en particulier :

  • de ses connaissances spécialisées de la législation et des pratiques en matière de protection des données ;
  • de sa capacité à accomplir les tâches qui lui sont confiées ;
  • le responsable du traitement ou le sous-traitant doit veiller à ce que ses missions et tâches n’entraînent pas de conflit d’intérêts.

Enfin concernant la désignation d’un délégué à la protection des données externe ou interne, le règlement n’opère pas de distinction en fonction du nombre de salariés du responsable de traitement, il prévoit juste que le délégué à la protection des données peut être indifféremment externe ou interne.

Conseils :

  • Il faut dès à présent former et sensibiliser les CIL en place, à la règlementation européenne en matière de protection des données à caractère personnel ;
  • Il faut également veiller à ce que le CIL choisi soit compétent, non seulement sur la loi Informatique et libertés, mais également sur la règlementation européenne en matière de protection des données à caractère personnel ;
  • Il faut enfin veiller à ce que le CIL choisi soit compétent d’un point juridique mais également technique pour effectuer les nouvelles tâches définies par le règlement européen (voir ci-dessous).

II) L’élargissement des obligations à la charge du délégué à la protection des données

L’article 22 de la loi informatique et libertés dote le CIL de six missions, à savoir :

  • formuler les recommandations nécessaires au responsable de traitement ;
  • être consulté avant toute mise en œuvre de nouveaux traitements de données ;
  • recevoir les réclamations et les requêtes des personnes concernées ;
  • informer le responsable de traitement des manquements constatés ;
  • établir un bilan annuel d’activité ;
  • établir la liste exhaustive des traitements de données à caractère personnel mis en œuvre au sein de l’organisme qui l’a désigné, et tenir cette liste à disposition de la CNIL.

Désormais, le règlement est plus précis sur les obligations du délégué à la protection des données puisque l’article 39 du règlement prévoit que celui-ci doit :

  • informer et conseiller le responsable du traitement ou le sous-traitant ainsi que les salariés traitant des données à caractère personnel sur les obligations qui leur incombent en vertu du présent règlement et d’autres dispositions de l’Union ou de l’État membre concerné en matière de protection des données ;
  • contrôler la conformité du règlement à d’autres dispositions de l’Union ou de l’État membre concerné en matière de protection des données ;
  • contrôler la conformité du règlement aux règles internes du responsable du traitement ou du sous-traitant en matière de protection des données, et notamment sur les questions de répartition des responsabilités, de formation du personnel et de réalisation d’audits ;
  • dispenser des conseils, lorsque cela est demandé, en ce qui concerne l’analyse d’impact et vérifier l’exécution des tâches ;
  • coopérer avec l’autorité de contrôle ;
  • faire office de point de contact pour l’autorité de contrôle sur les questions liées au traitement de données à caractère personnel, y compris la consultation préalable visée à l’article 34, et consulter celle-ci, le cas échéant, sur tout autre sujet.

Le règlement rajoute que le délégué à la protection des données doit tenir compte dans l’accomplissement de ses missions, du risque associé aux opérations de traitement eu égard à la nature, à la portée, au contexte et aux finalités du traitement.

Conseils :

  • Il faut que le délégué à la protection des données forme et sensibilise, les salariés en charge de traiter des données à caractère personnel, sur les problématiques de la règlementation européenne en la matière ;
  • Il faut également que le délégué à la protection des données mette en place un suivi de l’analyse d’impact.

L’élargissement de l’obligation d’information du responsable de traitement par le RGPD

Le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, applicable à compter du 25 mai 2018, apporte de nouveaux éléments substantiels relatifs à l’obligation d’information du responsable de traitement de données à caractère personnel. Je vais ici m’employer à relater ces modifications et donner des conseils pour s’y adapter et bien les faire appliquer.

Le règlement consacre trois articles à l’obligation d’information du responsable de traitement (article 12 à 14) tandis que la loi informatique et libertés n’en comprend qu’un (article 32). Le premier de ces articles, l’article 12, impose que les informations communiquées aux personnes dont les données sont collectées le soient d’une façon concise, transparente et intelligible.

Cette disposition nécessite de s’y attarder car elle ne figurait pas dans la loi informatique et libertés. Les rédacteurs du règlement ont ici tenu à mettre en garde les professionnels contre des formulations obscures qui tenteraient de relater les informations exigées par le règlement sans en faire comprendre leur portée aux personnes concernées. Le règlement précise ainsi que si la personne concernée est un enfant, celui-ci doit être à même de comprendre les informations communiquées par le responsable de traitement.

Cette précision étant faite, il faut dès à présent relever que le règlement fait une distinction entre la collecte directe (article 13) et la collecte indirecte (article 14) de données à caractère personnel que la loi informatique et libertés distinguait uniquement, jusqu’ici, pour la communication des informations.

Dans cet article nous allons donc successivement étudier ce que prévoit le règlement pour la collecte directe de données à caractère personnel (I) et la collecte indirecte (II).

I) La collecte directe de données à caractère personnel

Il s’agit ici de l’hypothèse où le responsable de traitement recueille directement, ou par l’intermédiaire d’un sous-traitant, les données à caractère personnel auprès d’une personne physique.

Actuellement l’article 32 de loi informatique et libertés prévoit que le responsable de traitement doit informer la personne dont les données sont collectées :

  • de l’identité du responsable de traitement ;
  • des finalités ;
  • du caractère facultatif ou obligatoire des réponses ;
  • des destinataires ;
  • des droits reconnus à la personne ;
  • des éventuels transferts de données hors UE.

Désormais concernant la collecte directe, l’article 13 prévoit que le responsable de traitement doit informer la personne concernée des éléments évoqués ci-dessus, auxquels s’ajoutent également les éléments suivants :

  • la durée de conservation ou en cas d’impossibilité les critères permettant de la déterminer ;
  • les coordonnées du responsable de traitement ;
  • les coordonnées du délégué à la protection des données s’il y en a un ;
  • la possibilité de saisir la CNIL ;
  • l’existence d’une décision automatisée comprenant un profilage et la logique de celle-ci ;
  • si le traitement se fonde sur l’intérêt légitime du responsable de traitement pour passer outre le consentement du client, la définition de l’intérêt légitime ;
  • les finalités nouvelles si un traitement ultérieur est prévu.

Enfin, sur le moment de communication de l’information, l’article 32 de la loi informatique et libertés prévoit que la personne dont les données à caractère personnel sont traitées peut être informée au moment de la collecte des données ou préalablement. A présent, le règlement est plus strict car il impose que la personne soit obligatoirement informée au moment de la collecte de ses données. Dès lors, une information préalable ne serait plus suffisante comme le permettait la loi informatique et libertés.

Conseils : pour se conformer à ces nouvelles obligations, il convient pour les professionnels agissant en tant que responsable de traitement de modifier leurs mentions d’information informatique et libertés figurant sur leurs conditions générales ou tout autre type de documents pour y ajouter les mentions d’information suivantes quant au traitement effectué :

  • la durée de conservation ou en cas d’impossibilité les critères permettant de la déterminer ;
  • les coordonnées du responsable de traitement ;
  • les coordonnées du délégué à la protection des données s’il y en a un ;
  • la possibilité de saisir la CNIL ;
  • l’existence d’une décision automatisée comprenant un profilage et la logique de celle-ci ;
  • si le traitement se fonde sur l’intérêt légitime du responsable de traitement pour passer outre le consentement du client, la définition de l’intérêt légitime ;
  • les finalités nouvelles si un traitement ultérieur est prévu.

II) La collecte indirecte de données à caractère personnel

Il s’agit ici de l’hypothèse pour laquelle les données ne sont pas recueillies immédiatement auprès de la personne concernée mais sont acquises auprès d’un autre professionnel, comme par exemple dans le cas du rachat d’un fichier de prospection ou d’une base de données.

Actuellement l’article 32 de loi informatique et libertés prévoit l’obligation, pour le responsable de traitement ayant acquis des données à caractère personnel de manière indirecte, de communiquer à la personne concernée les mêmes informations que celles communiquées dans le cadre d’une collecte directe. Cette information doit s’effectuer dès l’acquisition des données ou au plus tard lors de la première communication à un destinataire ou à la personne concernée.

Désormais, l’article 14 du règlement prévoit que le responsable de traitement doit informer la personne concernée de l’ensemble des éléments prévus à l’article 13, auxquels s’ajoutent également :

  • les catégories de données concernées par la collecte indirecte ;
  • la source des données collectées y compris si elles sont issues d’une source accessible au public ;
  • en cas de nouvelle finalité, les informations relatives à celle-ci.

Concernant le délai de transmission de ces informations à la personne concernée, le règlement prévoit que celui-ci ne doit pas dépasser un mois ou être effectué au plus tard lors de la première prise de contact avec les personnes concernées si les données sont utilisées à cet effet.

Il est toutefois fait exception à cette obligation d’information lorsque :

  • la personne dispose déjà des informations ;
  • la fourniture des informations est impossible ou disproportionnée ;
  • l’obtention ou la communication des informations résulte d’une disposition législative ou communautaire impérative ;
  • les données doivent restées confidentielles en vertu du respect du secret professionnel d’une profession réglementée.

Conseils : pour se conformer à ces nouvelles obligations, il convient pour les professionnels agissant en tant que responsable de traitement de s’assurer que l’ensemble des éléments prévus à l’article 13 ont bien été portés à l’attention des personnes concernées ainsi que d’informer celles-ci, via un mail général d’information par exemple, sur :

  • la catégorie de données qui a été collecté indirectement ;
  • les éventuels changements de finalités ;
  • la source des données ;
  • les autres éventuels changements.

Privacy by design et Privacy by default

Le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, implique de nombreuses modifications.

Ce texte supprime notamment les formalités imposées par la loi française et les remplace par un devoir de « compliance » à la charge du responsable de traitement. Ce devoir implique que le responsable de traitement mette en œuvre (et soit à même de le démontrer) les mesures appropriées pour que le traitement soit effectué dans le respect du règlement.

Le règlement induit, dès lors, un changement dans la démarche du responsable de traitement. Tandis qu’actuellement celui-ci se cantonne à effectuer les formalités nécessaires pour pouvoir réaliser son traitement, à l’avenir ces dernières ne seront plus à sa charge. Toutefois, les obligations incombant au responsable de traitement n’en seront pas pour autant amoindries ; au contraire celles-ci seront alourdies. Il devra en effet se montrer proactif dans l’établissement de mesures techniques et organisationnelles permettant d’assurer le respect de la règlementation.

Des justificatifs de la mise en place de telles mesures pourront être demandés par la CNIL. S’agissant des mesures en question, le règlement européen introduit les concepts de « privacy by design » et « privacy by default » en son article 23.

Que recoupent donc ces deux concepts qui ne sont pas réellement si nouveaux ?

I) Privacy by design (protection de la vie privée dès la conception)

Le terme est apparu dans les années 1990 et s’est développé selon l’idée que le respect de la vie privée devait être pris en compte dès la conception d’un projet numérique. Cela implique de prendre en compte, dès la conception de projets numériques destinés à traiter des données personnelles, les exigences en matière de protection de la vie privée et les intégrer aux systèmes informatiques, infrastructures des réseaux et pratiques de l’entreprise. La protection de la vie privée dès la conception doit donc se traduire par des mesures techniques concernant les systèmes et infrastructures conçus mais également organisationnelles concernant les pratiques de l’entreprise en matière de traitement de données. L’article 25, alinéa 1 du règlement dispose, en effet : « Compte tenu des techniques les plus récentes et des coûts liés à leur mise en œuvre, le responsable du traitement applique, tant lors de la définition des moyens de traitement que lors du traitement proprement dit, les mesures et procédures techniques et organisationnelles appropriées de manière à ce que le traitement soit conforme aux prescriptions du présent règlement et garantisse la protection des droits de la personne concernée. »

L’article apporte toutefois une limitation intéressante à cette obligation de protection de la vie privée dès la conception, puisqu’il ne s’agit vraisemblablement que d’une obligation de moyens. En effet, la protection de la vie privée dès la conception est appréciée à la lumière des technologies disponibles et du coût de leur mise en œuvre.

La préposée à la protection des données de l’Etat d’Ontario au Canada, Ann Cavoukian, explique que le concept de « Privacy by Design » repose sur sept principes fondamentaux.

  1. Il faut prendre des mesures proactives et non réactives. Cela signifie qu’il ne faut pas attendre que les risques se produisent pour proposer des solutions. La « Privacy by Design » n’offre d’ailleurs aucune mesure corrective en cas d’incident.
  2. Il faut assurer une protection implicite de la vie privée, ce qui signifie que la protection de la vie privée doit être systématiquement maximale. Elle n’est donc pas optionnelle et ne doit pas nécessiter l’intervention de l’utilisateur mais être directement intégrée au système.
  3. Il faut intégrer la protection de la vie privée dans la conception des systèmes et des pratiques, ce qui implique de l’incorporer dans la conception et l’architecture des systèmes informatiques mais aussi dans les pratiques et la stratégie organisationnelle de l’entreprise.
  4. Il faut assurer une fonctionnalité intégrale selon un paradigme à somme positive et non à somme nulle, ce qui implique que le responsable de traitement ne doit pas créer de fausses oppositions entre certains objectifs qui ne s’opposent pas mais sont complémentaires, tels que la sécurité et la protection de la vie privée. La protection de la vie privée doit être envisagée par la responsable de traitement comme une valeur ajoutée à sa technologie et non comme un frein au développement de son activité commerciale.
  5. Il faut assurer la sécurité de bout en bout pendant toute la période de conservation des renseignements. Ceci implique que les mesures de protection de la vie privée mises en place dans le système informatique dès sa conception, persistent de manière sécurisée durant toute la période de conservation des données.
  6. Il faut assurer la visibilité et la transparence du système pour les utilisateurs. A ce titre, pour vérifier que celui-ci est conforme à la protection de la vie privée intégrée, une vérification indépendante est nécessaire pour instaurer un climat de confiance entre le responsable de traitement et les personnes dont les données sont traitées.
  7. Il faut assurer le respect de la vie privée des utilisateurs. Ce principe est relié aux six précédents et impose aux concepteurs de projets numériques de mettre l’intérêt des utilisateurs particuliers au centre de leurs préoccupations en prévoyant notamment, et ainsi qu’il l’a déjà été évoqué ci-dessus, la mise en place de mesures implicites de protection de la vie privée ainsi que des fonctions habilitantes axées sur les utilisateurs.

Conseils : pour se conformer à ce principe, il convient au sein de la direction de l’entreprise de s’engager réellement dans la prévention des atteintes à la vie privée. Plus particulièrement, il convient notamment :

  • d’identifier le contexte particulier aux traitements mis en œuvre par le projet ;
  • de mettre en place des mesures techniques dans les systèmes informatiques pour empêcher la modification ou la disparition des données ;
  • de mettre en place des profils d’habilitation pour empêcher l’accès illégitime aux données ;
  • d’établir un référentiel de sécurité incluant notamment : une charte dédiée à l’encadrement de l’utilisation des systèmes d’information de l’entreprise ; le déclenchement régulier et l’analyse de tests d’intrusion ; la mise en place de clauses contractuelles contraignantes imposant entre autres une procédure d’audit dans les contrats de sous-traitance ; la sensibilisation du personnel aux enjeux de sécurité et de confidentialité des données (sessions de formation, rédaction de notes de services, de livres blancs et autres communications internes à l’entreprise) ; une politique de gestion des incidents liés aux systèmes d’information ; une politique d’habilitation ; une politique d’archivage et de conservation des données.

Il est précisé que la CNIL a décidé d’accompagner les responsables de traitement dans la mise en place du principe de « Privacy by design » en publiant en juillet 2015 une version révisée de son guide sur la gestion des risques. Dans ce document, elle préconise d’employer la méthodologie EBIOS permettant d’assurer la sécurité de l’information.

II) Privacy by default (Protection de la vie privée par défaut)

Ce principe est intimement lié au précédent puisqu’il en est la continuité logique. Il vise, en effet, à permettre aux personnes dont les données sont collectées d’obtenir le plus haut niveau de protection possible, à l’instar du principe de « Privacy by design ». Toutefois, si ce dernier vise l’encadrement du traitement on peut dire que le principe de « Privacy by default » concerne plus spécifiquement le traitement lui-même. A ce titre, l’article 25 du règlement prévoit que le responsable de traitement doit mettre en place des mécanismes visant à garantir, par défaut, que :

  • seules sont traitées les données nécessaires à chaque finalité du traitement (principe de minimisation) ;
  • les données ne sont pas conservées au-delà du minimum nécessaire à ces finalités ;
  • les données ne sont pas rendues accessibles à un nombre indéterminé de personnes physiques.

Conseils : pour se conformer à ce principe il convient de mettre en place lors de chaque collecte de données à caractère personnel, le plus haut niveau de confidentialité des données collectées au niveau du recueil de consentement de la personne concernée, ce qui se matérialise par :

  • la mise en place d’un mécanisme d’obtention du consentement pour chaque traitement effectué ;
  • la mise en place d’un mécanisme de recueil du consentement pour chaque destinataire des données.
  • la mise en place d’un mécanisme du recueil du consentement pour chaque finalité ;

Pour l’application de ce principe, il convient également de mettre en place :

  • des profils d’habilitation pour l’accès aux données ;
  • un processus de destruction automatique et systématique des données une fois leur finalité épuisée.