Les conséquences du covid-19 en droit immobilier et locatif

A l’instar du droit social et comme dans beaucoup d’autres domaines, le secteur du droit immobilier a été impacté par la crise du covid-19.

Toutefois, l’action du gouvernement en la matière est restée inégale. Ainsi, alors que le gouvernement n’a pas hésité à accroître la protection des locataires personnes physiques soumis à la loi du 6 juillet 1989, il s’est montré plus frileux sur la protection des locataires commerciaux, bien qu’ayant adopté certaines dispositions, alors pourtant que le législateur lui avait laissé toute latitude pour se faire.

Il est temps de faire un focus sur ces dispositions.

Les évolution en matière de bail locatif

La trêve hivernale

Une des mesures phares du gouvernement en matière locative est l’allongement de la période de la trêve hivernale.

L’article 1er de l’ordonnance n°2020-331 du 25 mars 2020 prévoit en effet la prolongation de la période de trêve hivernale prévue aux articles L115-3 du Code de l’action sociale et des familles et L412-6 du Code de procédures civiles d’exécution.

Alors que ces deux articles permettent respectivement le maintien de la fourniture de gaz, d’électricité et de chaleur d’une part et l’impossibilité d’expulser le locataire d’autre part, même en l’absence de paiement du locataire des factures et du loyer, habituellement pendant la période du 1er novembre au 31 mars, ladite période a été étendue pour l’année 2020 par les dispositions précitées de l’ordonnance du 25 mars 2020, du 1er novembre au 31 mai 2020.

La trêve hivernale a par la suite été encore étendue, pour l’année 2020, par un amendement de l’assemblée nationale, jusqu’au 10 juillet 2020

Pour l’année 2021, la trêve hivernale à également été étendue, cette fois-ci par l’article 1er de l’ordonnance n°2021-141 du 10 février 2021 jusqu’au 31 mai 2021.

Ces dispositions sont surprenantes dans la mesure où l’objet de la trêve hivernale est de protéger les locataires, fussent-ils mauvais payeurs, pendant une période où le froid est un danger pour l’intégrité physique d’une personne à la rue. Or justement, le climat est l’un des seuls éléments sur lesquels le covid-19 n’a pas eu d’impact et il est difficile de comprendre pourquoi les locataires mauvais payeurs ont mérité une protection supplémentaire pendant la période d’avril et mai 2021 alors même que les propriétaires ont pu tout autant que les locataires souffrir économiquement de la crise.

Sur les autres éléments du contrat de bail

Hormis sur la question de l’allongement de la période de la trêve hivernale, la crise sanitaire a assez peu impacté le bail locatif d’habitation.

En effet, le législateur et le gouvernement n’ont rien prévu concernant la conclusion du contrat de bail, demeurant donc tout à fait possible et non aménagée pendant la période de la crise sanitaire.

De la même manière en ce qui concerne l’exécution, aucune suspension de l’obligation de payer les loyers n’a été prévue par le législateur, ce qui est plutôt logique au regard du fait que le chômage partiel a permis à la plupart des salariés de continuer à vivre financièrement quasiment normalement.

Pareillement, le législateur n’a pas prévu de disposition spécifique concernant le dépôt de garantie, dès lors rien ne saurait a priori suspendre sa restitution par le bailleur.

Ainsi, il y a relativement peu de modifications expresses concernant le bail locatif, toutefois une nuance doit être apportée concernant la prorogation des délais pendant la période de l’urgence sanitaire.

En effet, le législateur a prévu la prorogation de plusieurs délais, dont certains concernent directement le bail locatif.

Il est en ainsi de la clause résolutoire dont les effets devaient expirés pendant le premier confinement. A ce titre, l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifié par l’ordonnance du 15 avril 2020, prévoit un report des effets desdites clauses, étant précisé qu’une distinction est faite entre les obligations financières et non-financières pour déterminer la durée du report.

Implicitement, il apparaît également que les deux délais prévus par l’article 15-II de la loi du 6 juillet 1989 permettant au locataire de préempter puis de demander un prêt pour supporter son droit de préemption de deux mois tous deux ont été prorogés, dans les conditions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, modifié par l’ordonnance du 15 avril 2020. Ainsi les actes qui auraient dû être accomplis au cours de cette période seront réputés avoir été faits à temps s’ils ont été effectués dans un délai qui ne peut excéder, de deux mois à compter du 23 juin 2020.

En définitif, les dispositions prises, bien que peu nombreuses, demeurent très favorables aux locataires, y compris les mauvais payeurs.

Les évolution en matière de bail commercial

Pour mémoire, la loi n°2020-293 du 23 mars 2020, a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnance les mesures « permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux (…) au bénéfice des microentreprises au sens du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 (…) »

Toutefois et de manière assez surprenante, le gouvernement n’a pas utilisé cette prérogative. En effet, la circulaire du garde des Sceaux du 26 mars 2020 portant application de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, relative à la prorogation des délais et l’adaptation des procédures, précise que le paiement des mensualités locatives n’est pas suspendu pendant la période juridiquement protégée de l’état d’urgence sanitaire. Les échéances contractuelles doivent toujours être respectées, seul le jeu de certaines clauses étant paralysé par l’article 4 de l’ordonnance du 25 mars 2020.
 S’il est compréhensible que les locataires de bail d’habitation aient dû continuer à régler leurs mensualités, d’une part car le bailleur est souvent une personne physique elle-même vulnérable et, d’autre part, car la plupart des individus sont des salariés, des fonctionnaires, des personnes sans activités percevant des aides ou des personnes au chômage, qui ont continué à percevoir, pendant le confinement, leur rémunération ou l’équivalent précité, il est en revanche surprenant que les locataires commerciaux aient, eux, dû continuer à s’acquitter de leurs mensualités.

En effet, la différence est que les locataires de baux commerciaux ont , bien souvent, dû stopper leur activité pendant la période de confinement et les aides débloquées pour aider les entrepreneurs ont été, dans de nombreux cas, insuffisantes et ne leur permettaient pas d’honorer leurs mensualités.

Si l’on peut être surpris de cette approche, privilégiant les propriétaires des murs aux entrepreneurs, le législateur n’est pas pour autant resté totalement de marbre face aux difficultés de ces derniers et il faut donc nuancer.

En effet, des mesures protectrices des locataires commerciaux sont apparues avec l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 s’appliquant aux personnes physiques morales de droit privé qui exercent une activité économique et pouvant percevoir le fond de solidarité.

Pour ces personnes morales-là, l’article 4 de cette ordonnance suspend pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 23 juin 2020 :“les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation pendant les délais déterminés”.

Leur effet reprend toutefois un mois après la fin de la période précitée selon ce même article.

Outre le paiement des loyers, ces dispositions s’appliquent également aux charges locatives dont l’échéance se situe entre le 12 mars 2020 et l’écoulement d’un délai de deux mois suivant la cessation de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article 4 de la loi du 23 mars 2020.

Enfin, le texte précise qu’en cas de procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, la personne fournissant une attestation d’un mandataire de justice désigné par le jugement ayant ouvert la procédure peut se voir appliquer les dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020.

L’objectif du législateur a été ainsi de tenter de trouver un compromis entre les intérêts des parties en présence en ne privant pas les bailleurs de leurs droit de percevoir des loyers commerciaux tout en suspendant temporairement les sanctions tiré du non-paiement des loyers pendant la période de confinement et la période juste après.



Les Actes notariés en période de COVID

Le législateur a voulu maintenir l’activité des notaires pendant la période de confinement, pour permettre ainsi de poursuivre à minima l’activité économique du pays, ce qui poursuit la logique du télétravail.

Ainsi, la réalisation à distance d’actes authentiques a été fortement encouragée, puisqu’en vertu du décret n° 2020-395 du 3 avril 2020, les notaires peuvent, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, recevoir seuls et à distance le consentement des parties à l’acte pour la régularisation d’un acte authentique électronique (AAE). Le notaire doit disposer d’un collaborateur pour représenter une ou plusieurs parties (article 1161 du Code civil) dans le cadre des procurations électroniques. Il doit être en possession de toutes les pièces nécessaires à la rédaction de l’acte et enfin, il doit être équipé d’un système de visioconférence sécurisé.

Concernant les délais légaux fixés pour la réalisation des actes authentiques (droit de rétractation et droit de préemption par exemple) échus pendant la période d’urgence sanitaire, en vertu de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, ces délais ont été prorogés jusqu’à la fin de l’état d’urgence. Ces dispositions ne s’imposent toutefois pas aux parties et peuvent être écartées par celles-ci. Enfin, ces dispositions ne concernent pas les délais conventionnels, dont la prorogation des termes doit donc dépendra de la volonté des parties.

Le contrat de syndic

Au travers de l’article 22 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020, le législateur a prévu le renouvellement automatique des contrats de syndic venant à expirer ou ayant expiré au cours de la période du 12 mars au 23 juin 2020, dans des termes identiques aux contrats précédemment conclus, jusqu’à la prochaine assemblée générale des copropriétaires votant un nouveau contrat de syndic et devant intervenir au plus tard le 31 janvier 2021.

Ce texte a permis de garantir, pendant la période d’urgence sanitaire, la gestion des immeubles au sein des copropriétés, sans la réunion de nouvelle assemblée générale.

Les délais en matière d’urbanisme

L’ordonnance n°2020-539 du 7 mai 2020, modifiant l’article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, prévoit la suspension de délais administratifs expirant entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020.

Le texte vise les délais d’instruction des demandes d’autorisation et de certificats d’urbanisme, les déclarations préalables, les délais accordés à l’administration afin de vérifier le caractère complet d’un dossier ou pour demander des pièces complémentaires

Le texte précise que les délais suspendus continuent de s’écouler à partir du 24 mai 2020.

Le second alinéa de ce texte prévoit le report des points de départ des délais qui auraient dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 à compter de l’achèvement de cette période.