Le droit immobilier n’est pas de celles des matières du droit qui possède le foisonnement législatif le plus important. Les lois marquantes en matière de droit immobilier sont rares, ce qui les rend d’autant plus remarquables lorsqu’elles sont adoptées.
Le droit de la copropriété est ainsi toujours régi par la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété et par le décret d’application n°67-223 du 17 mars 1967. Bien sûr, des lois sont venues modifier le régime établi par ces textes, mais nombre de dispositions demeurent inchangées.
Pour analyser l’évolution juridique du droit immobilier, il faut donc d’avantage se tourner vers la jurisprudence qui nous donne des évolutions significatives, encore que ces évolutions doivent être relativisées par rapport à d’autres domaines en constante évolution comme le droit de la famille et le droit du travail où les revirements jurisprudentiels sont bien plus fréquents
Ce régime quasi figé du droit immobilier ne présente pas que des désavantages, puisque si l’on peut regretter un manque d’adaptation des normes juridiques aux évolutions de la société, on peut toutefois se réjouir d’une plus grande sécurité juridique pour les justiciables, ces derniers pouvant anticiper plus facilement la réponse qu’apporterait un juge à une question de droit qui lui serait soumise.
Toutefois, le caractère quasi figé du régime du droit immobilier semble avoir été remis en cause cette dernière décennie par le législateur semblant désormais s’enquérir d’un regain d’intérêt pour cette discipline.
Ainsi, le 29 décembre 2012 le législateur a posé une première pierre à son édifice de refonte du droit immobilier avec la loi dite « DUFLOT », suivi le 29 décembre 2014 de la loi dite « PINEL » qui sont toutes deux venues favoriser l’investissement locatif en octroyant des réductions d’impôt à travers l’instauration d’une division du territoire en 5 zones créées en fonction de la densité de la population, de la plus tendue (Zone A bis) à la moins tendue (Zone B).
Le 26 mars 2014, le législateur est venu apporter une deuxième pierre à son édifice avec la loi dite « ALUR » dont il résultera de nombreux changements significatifs au titre desquels on peut notamment citer :
- l’encadrement de l’augmentation du prix des loyers,
- l’encadrement des frais d’agence,
- rallongement de la trêve hivernale,
- la modification des délais de préavis,
- la modification des délais de prescriptions en matière de recouvrement de loyers,
- l’encadrement des dossiers locatifs,
- la création d’un contrat de syndic type,
- l’encadrement des honoraires du syndic.
Le 23 novembre 2018, le législateur est venu apporter une troisième pierre à son édifice avec la loi dite « ELAN » qui va faire l’objet de la présente analyse.
Avant de commencer cette analyse, il convient de rappeler que le droit immobilier se fragmente en deux sous-disciplines, le droit locatif et le droit de la copropriété voir en trois si on lui rajoute le droit de la construction et de l’urbanisme.
Nous allons ici étudier les apports de la la loi ELAN en droit locatif
Les apports de cette loi en droit de la copropriété et en droit de la construction et de l’urbanisme feront, eux, l’objet d’une seconde étude.
Les apports de la loi ELAN en droit locatif :
1. Encadrement des loyers
La loi ALUR de 2014 avait déjà tenté d’instaurer un dispositif d’encadrement des loyers qui n’a toutefois pas été une grande réussite.
En effet, d’une part, sa mise en place s’est avérée complexe, de sorte que seules deux villes l’avaient finalement mis en place, Paris et Lille.
D’autre part, les tribunaux administratifs ont fini par abolir ce dispositif en 2017.
La loi ELAN tente de redonner un second souffle à ce dispositif qui n’est cette fois qu’optionnel, le législateur ayant privilégié une approche plus prudente et plus flexible.
Ainsi, si l’encadrement du prix des loyers n’est pas obligatoire, le préfet peut néanmoins décider de sa mise en œuvre par arrêté à la demande des établissements publics de coopération intercommunale ou des collectivités, elles-mêmes, situées en zone tendue.
Les communes restent donc libres de choisir d’appliquer ce dispositif ou non.
Si le dispositif venait à s’appliquer, le propriétaire qui ne le respecterait pas s’exposerait alors à des condamnations pouvant s’élever jusqu’à la somme de 15.000,00 €.
Il reste maintenant à s’interroger sur la manière dont les loyers seront encadrés.
La loi apporte une réponse à cette question puisqu’elle prévoit que les loyers seront encadrés, avec une majoration et une minoration autorisées, par rapport au montant de référence fixé par l’arrêté et correspondant à un loyer médian de tous les loyers pour les appartements de même type, dont l’élaboration serait réalisée par les observatoires des locaux des loyers, observatoires qui deviennent désormais obligatoires dans toutes les zones tendues, afin d’encourager justement la mise en place de ce dispositif.
2. La limitation du formalisme de l’engagement de caution
Le deuxième apport important que l’on peut souligner est la disparition du formalisme de l’engagement de caution.
Auparavant, l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 imposait à la caution pas moins d’une triple mention manuscrite :
- la reproduction du montant du loyer et des conditions de sa révision tels que figurant dans le contrat de location
- la reproduction de la durée du cautionnement et de la faculté de le résilier unilatéralement en cas de cautionnement à durée indéterminée
- la reproduction d’une mention exprimant de façon explicite et non équivoque la connaissance que le garant a de la nature et de l’étendue de l’obligation qu’il contracte.
L’oublie d’une de ces mentions manuscrites était sanctionné par la nullité de l’acte de cautionnement, sanction évidemment très lourde sur laquelle la caution essayait quasiment systématiquement de jouer pour se dégager.
Désormais, la loi n’exige plus que ces mentions soient manuscrites.
Elles doivent toujours apparaître dans l’acte de cautionnement mais peuvent être pré-rédigées, la loi se satisfaisant désormais d’une seule signature de la caution.
3. La facilitation de l’expulsion des squatters
Désormais les occupants sans droits ni titres, familièrement appelés squatters, ne sont plus protégés par les dispositions relatives à la trêve hivernale et peuvent donc être expulsés même en hiver.
Cette disposition ne s’applique qu’aux seuls occupants sans droit ni titre et non aux locataires qui ne payent plus.
L’objectif de cette disposition est d’assurer une meilleure protection des droits des propriétaires, parfois particuliers, qui se retrouvent bloqués par des délais excessivement longs, une procédure d’expulsion pouvant prendre jusqu’à plusieurs années.
En outre, le délai de deux mois qui doit être respecté après la délivrance d’un commandement de quitter les lieux, étape qui rappelons le, interviens après avoir obtenu une décision d’expulsion et avant le recours à la force publique, a été supprimé pour les squatters.
S’il est louable que le législateur ait voulu ramener à une plus juste proportion les droits des propriétaires dans une matière où les locataires sont clairement mieux protégés, il n’est pas sûr que cette disposition subsiste.
En effet, la trêve hivernale avait été voté à la suite du célèbre appel de l’Abbe Pierre du 1 février 1954 afin de protéger le droit de vivre, la dignité et l’intégrité physique des personnes. Or, il est difficile de penser que la vie d’occupants sans droits ni titre vaille moins que celles d’autres personnes et notamment de locataires qui ne paient plus.
Dès lors, il n’est pas impossible que la disposition susvisée fasse l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité et soit à cette occasion potentiellement censurée.
4. Les location type Airbnb
La réforme renforce également le contrôle des locations de courte durée afin que ce type de location ne dépasse pas les 120 nuits par an autorisées, délai au-delà duquel le logement n’est plus considéré comme une résidence principale
Ainsi, dans les communes qui ont mis en place un service de déclaration préalable pour la location d’appartements meublés de tourisme comme Paris, Lyon ou Bordeaux, la formalité devient obligatoire, le propriétaire devant en conséquence indiqué dans son annonce le numéro d’enregistrement qui lui a été délivré.
Les sanctions sont également renforcées tant pour les loueurs que pour les plateformes qui ont l’obligation de s’assurer que le numéro communiqué par l’administration soit inscrit sur les annonces.
L’usager s’expose ainsi à des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 10.000,00 € en cas de violation des dispositions précitées et la plateforme à des amendes pouvant aller jusqu’à 50.000,00 €.
5. Bail mobilité
On peut également citer la création d’un nouveau type de contrat de bail, le bail mobilité, contrat de location de courte durée non renouvelable, conclu pour une durée comprise entre un et 10 mois, pour un logement meublé pour lequel le propriétaire ne peut pas demander de dépôt de garantie mais peut toutefois exiger une caution.
Ce type de bail a été mis en place pour les étudiants, en stage ou échange scolaire de quelques mois.
Le locataire doit justifier, à la signature du bail du caractère temporaire de son activité et peut mettre fin à tout moment au bail à condition de respecter un préavis d’un mois, alors que le propriétaire sera lui contraint de respecter l’intégralité du bail, ne pouvant donc donner congé à son locataire.
6. Les Habitations à Loyers Modérés (HLM)
Les bailleurs sociaux sont également concernés par la loi ELAN qui souhaite regrouper ces derniers.
En outre, la loi entend favoriser la mobilité des habitants des logements sociaux et contrôler la légitimité de l’attribution desdits logements à ces derniers en imposant à la commission d’attribution des logements d’étudier le dossier des locataires tous les 3 ans afin de tenir compte de l’évolution de la situation familial et professionnelle de ceux-ci.