Comme chacun le sait, le droit des contrats a été réformé par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016. De prime abord, le terme réforme n’est peut-être pas le plus approprié, car il s’agit, pour une grande part, d’une codification à droit constant de la jurisprudence existante en la matière. Il n’y a donc, a priori, rien de réformateur dans le texte. Pourtant, limiter l’ordonnance à une codification à droit constant serait une erreur car elle comporte bel et bien des nouveautés, voire des singularités sur lesquelles il nous faut nous attarder pour en comprendre les tenants et les aboutissants.
1. L’application dans le temps de la réforme
La première chose sur laquelle nous devons porter notre attention est peut-être la plus simple mais il convient, toutefois, d’en cerner le contour. Il s’agit de l’application dans le temps de la réforme. Traditionnellement, la loi s’applique dès sa promulgation, ce principe découlant de l’article 2 du code civil, avec le tempérament des situations contractuelles pour lesquelles la loi ancienne survit, encore faut-il qu’il ne s’agisse pas des effets légaux des contrats qui soient concernés.
Afin éviter toute difficulté d’interprétation, l’ordonnance fixe son champ d’application temporel. Elle ne s’applique qu’à partir du 31 octobre 2016. Ainsi, tous les contrats conclus antérieurement à cette date sont soumis à la loi ancienne. Attention toutefois, car si le contrat est reconduit tacitement après le 31 octobre 2016, la nouvelle législation doit être appliquée.
2. L’obligation d’information pré-contractuelle
Concernant cette obligation, il convient, tout d’abord, de préciser que sous l’empire de la réforme, le droit commun des contrats n’est pas systématiquement écarté par le droit spécial mais cohabite parfois avec ce dernier. C’est ainsi que l’obligation d’information pré-contractuelle posée à l’article 1112-1 du code civil coexiste avec celle posée par le code de la consommation.
S’agissant du contenu de cet article 1112-1, celui-ci vient poser une obligation générale d’information pré-contractuelle. Avant l’ordonnance de 2016, la jurisprudence considérait que l’obligation d’information dépendait du type de contrat et de la qualité des parties. Ainsi, entre le professionnel et le consommateur l’obligation d’information était importante. En revanche, celle-ci devenait moindre lorsque les deux parties étaient des particuliers ou des professionnels. Il n’y avait pas, par principe, d’obligation d’information dans ces cas-là, sous réserve de la limite de la réticence dolosive et de l’erreur. La jurisprudence avait également développé une autre limite pour une catégorie particulière de professionnels, les banquiers, lesquels étaient tenus à un devoir d’information et de mise en garde lorsqu’ils contractaient avec un professionnel non averti (c’est-à-dire ne bénéficiant pas des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques de l’opération envisagée)
En droit des sociétés, l’absence de devoir général d’information a été supplée en pratique par les « Due Diligence » qui correspondent à l’ensemble des vérifications et audits que l’acquéreur effectue auprès du vendeur avant de réaliser l’opération, le tout étant encadré par des accords de confidentialité. C’est donc la pratique qui venait suppléer la carence de la loi en la matière.
Désormais, la règle a changé avec une obligation d’information pré-contractuelle générale posée par l’article 1112-1. Cet article est une petite révolution car, à présent, il existe une obligation d’information pré-contractuelle et ce, quelle que soit la nature des parties engagées ou le type de contrat.
Celle-ci a une double dimension
· Une dimension positive : il faut fournir des informations sur le contenu du contrat si celles-ci sont déterminantes du consentement de l’autre partie.
· Une dimension négative : la confidentialité est attachée aux informations communiquées car celles-ci ne le sont que dans le cadre de l’opération escomptée et leur divulgation peut entraîner des dommages et intérêts.
Toutefois, l’alinéa 2 de l’article 1112-1 exclue l’information quant au prix de la valeur de la prestation. Une telle exclusion est logique dans la mesure où il ne doit bien évidemment pas y avoir d’obligation de dire au vendeur que ce qu’il vend vaut en réalité plus cher, sans quoi la possibilité de faire des affaires serait remise en question.
3. La formation du contrat
L’offre, l’acceptation et la rencontre des deux sont, désormais, définies aux articles 1113 et suivants du Code civil conformément aux évolutions jurisprudentielles en la matière.
On remarquera également l’article 1119, particulièrement intéressant, lequel appelle à quelques remarques puisqu’il évoque le cas des conditions générales de vente. Le premier alinéa précise ainsi qu’elles doivent avoir été portées par l’une des parties à la connaissance de l’autre partie, laquelle doit les avoir acceptées. Ceci invalide la pratique des conditions générales communiquées au dos des factures, le contrat étant dès lors déjà formé. Par ailleurs, l’alinéa 2 précise que si deux termes de ces conditions générales s’opposent, les deux sont alors sans effet. Cette indication appelle à la vigilance lors de la rédaction des CGV.
Concernant le silence, si le principe posé par l’article 1120 demeure qu’il ne vaut pas acceptation, les cas dans lesquels l’inverse se produit sont toutefois élargis ; désormais, le silence peut valoir acceptation en appllication de la loi, des usages mais également du comportement des parties dans le cadre de relations d’affaires ou dans le cadre de circonstances particulières.
4. Les avant-contrats
Le pacte de préférence est défini dans le code civil à l’article 1123. Il n’y a pas d’originalité s’agissant de cet avant-contrat, la réforme se contentant de reprendre le régime élaboré par la jurisprudence en la matière, à savoir l’attribution de dommages et intérêts au bénéficiaire en cas de violation, ou si le tiers avait connaissance de l’existence du pacte de préférence, l’annulation du pacte ou la substitution du bénéficiaire au tiers.
En revanche, nous notons une évolution significative quant à la promesse unilatérale de vente : auparavant, la jurisprudence considérait cette dernière comme une promesse de faire dont la violation ne pouvait être sanctionnée que par des dommages et intérêts. L’ordonnance modifie cela et aligne le régime de cette dernière sur celui du pacte de préférence puisque l’article 1124 du Code civil juge que le contrat conclu en violation d’une telle promesse avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul. Une lecture a contrariode l’article laisse, au contraire, supposer que si le tiers n’avait pas connaissance de l’existence de la promesse unilatérale de vente, le bénéficiaire ne pourrait obtenir que des dommages et intérêts à l’instar du pacte de préférence
5. Les vices de consentement
Il y a, d’une manière générale, peu de surprises concernant les vices du consentement dans la mesure où il s’agit uniquement d’une codification de la jurisprudence existante. L’erreur sur les qualités essentielles de la chose ou du cocontractant est ainsi consacrée à l’article 1132, alors que celle sur la valeur ou sur les motifs étrangers aux qualités essentielles est rejetée aux articles 1135 et 1136. De même, la réticence dolosive est consacrée à l’alinéa 2 de l’article 1137 et le dol du tiers de connivence est consacré à l’article 1138.
Nous relevons, toutefois, une innovation pour la violence qui mérite d’être soulignée ici. Est désormais assimilé à la violence, par l’article 1143, l’abus de l’état de dépendance. Cela fait bien évidemment écho à la violence économique consacrée par la jurisprudence en 2000. Cependant, cet article dépasse cette jurisprudence car il ne mentionne pas seulement l’état de dépendance économique du cocontractant mais aussi l’état de dépendance général. En conséquence, tout type de dépendance pourra faire l’objet d’un abus caractérisant une violence, à la condition d’arriver à démontrer que celui ayant commis l’abus en a tiré un avantage manifestement excessif. Cet article ouvre donc les possibilités en matière de violence mais laisse le soin au juge de caractériser l’état de dépendance et l’avantage manifestement excessif.
6. Le contenu du contrat
Les concepts de la cause et de l’objet disparaissent pour laisser la place à celui de contenu du contrat, comme le mentionne l’article 1128 du Code civil.
Cette disparition est opportune dans la mesure où ces concepts, surtout celui de la cause étaient bien trop subjectifs et complexes au niveau international. Néanmoins, il ne s’agit pas d’une réelle disparition car si les mots n’apparaissent plus, leur fonction demeure à travers la notion de contenu du contrat.
En effet, d’après l’article 1162, la licéité concerne tant l’objet du contrat que la cause subjective c’est-à-dire le motif du contrat car cet article dispose que le but du contrat ne peut déroger à l’ordre public, peu importe que celui-ci ait été connu ou non par toutes les parties.
L’article 1163 dispose ensuite que la prestation fournie peut être présente ou future mais doit impérativement être possible, déterminée ou déterminable. Sur ce dernier point cependant, celui-ci n’est pas nécessairement cause de nullité car l’article 1166 prévoit un palliatif : la prise en considération de la nature de la prestation, des usages et du montant de la contrepartie pour fixer la prestation du débiteur.
Sur l’équilibre des prestations, l’article 1168 estime logiquement qu’il ne s’agit pas du principe, la lésion demeurant ainsi une exception. Néanmoins, l’article 1169 nous apprend que pour les contrats à titre onéreux, si la contrepartie convenue est illusoire ou dérisoire, le contrat est nul. Il s’agit d’une consécration de la jurisprudence « point club vidéo » et « Chronopost 1 » de 1996 qui avaient participé au fameux mouvement de subjectivisation de la cause objective. Pour rappel, derrière ces termes abscons, la jurisprudence attachait de l’importance au critère de l’économie voulue des parties ainsi qu’à celui de la substance de l’obligation essentielle. A défaut de respect du premier ou d’existence du second, le contrat était nul pour absence de cause.
L’article 1169 vient ainsi consacrer les mêmes garde-fous que ceux posés par la jurisprudence passée. Le principe n’est pas l’équilibre des prestations, toutefois si la contrepartie est illusoire (comme dans « Point club Vidéo ») ou dérisoire (comme dans « Chronopost 1 ») le contrat est nul. En outre, la jurisprudence « Chronopost 1 » est on ne peut plus confirmée à l’article 1170 qui dispose « Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite. »
Nous noterons, au passage, la consécration de la jurisprudence de la Cour de cassation de 1995 concernant la fixation unilatérale du prix dans les contrats cadre. L’article 1164 introduit à cet effet est le seul article qui aborde la question du prix indépendamment de celle de l’objet en droit commun des contrats.
Cet article dispose que, pour les contrats cadre, le prix peut être fixé unilatéralement par l’une des parties à condition que celle-ci soit à même de motiver son montant en cas de contestation par l’autre partie. Si elle en est incapable et que le prix est abusif alors le juge pourra accorder des dommages et intérêts et, le cas échéant, prononcer la résolution du contrat.
7. Les clauses abusives
C’est l’un des aspects les plus commentés de la réforme du droit des contrats. Il s’agit, en effet, d’une avancée majeure, mais celle-ci laisse encore de nombreuses questions en suspens auxquelles la jurisprudence devra répondre.
L’article 1171 du nouveau Code civil dispose :
« Dans un contrat d’adhésion, toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite.
L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat, ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »
La protection contre les clauses abusives existait déjà, ainsi que chacun sait, en droit de la consommation, celle-ci ayant vocation à protéger la partie faible, le consommateur ou non-professionnel, contre la partie forte, le professionnel (article L.212-1). L’introduire dans le code civil revient donc à admettre qu’un professionnel peut se retrouver en position d’infériorité par rapport à un autre. Ils s’agit là d’une évidence, tant tous les professionnels n’ont évidemment pas le même poids dans les négociations, que le législateur a mis du temps à consacrer.
Cependant, et cela est parfois oublié, cette disposition existait déjà entre professionnels, de sorte que l’introduction de l’article 1171 dans le code civil ne constitue pas une révolution aussi importante que certains veulent bien le croire. En effet, l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce sanctionne les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. De plus, cet article ne se limite pas aux seuls contrats d’adhésion conclus entre deux professionnels. Dès lors, on peut s’interroger sur l’apport du fameux article 1171 du code civil.
La sanction semble être la véritable nouveauté introduite par cet article. Pour les contrats d’adhésion, de type CGV donc, conclus entre professionnels, les clauses créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties seront réputées non écrites. Tandis que le code de commerce ne prévoyait que l’attribution possible de dommages et intérêts, le code civil prévoit la nullité partielle du contrat pour les clauses créant un déséquilibre significatif, les autres stipulations continuant à produire leurs effets.
Le véritable enjeu qui demeure consiste en la distinction entre les clauses considérées comme abusives et celles qui ne le sont pas. S’il est judicieux d’intégrer un nouveau mécanisme dans le Code civil permettant de protéger les « petits » professionnels contre les plus « gros », le législateur n’a pas pris le soin de donner plus d’explications quant à l’application du mécanisme qu’il a introduit dans le code civil. Il existe, en droit de la consommation, des clauses dites « noires », présumées irréfragablement abusives et les clauses dites « grises », présumées abusives. Le juge adoptera-t-il une interprétation uniforme des clauses abusive entre le Code de la consommation et le Code civil, ou jugera-t-il qu’une clause qui crée un déséquilibre significatif au sens de l’article L212-1 du Code de la consommation n’en crée pas nécessairement au titre de l’article 1171 du Code civil ? Cette seconde hypothèse paraît plus probable. La problématique se noue, dès lors, entre les clauses exonératoires et limitatives de responsabilité. Si les premières seront, probablement, systématiquement considérées comme abusives par les juges, pour les deuxièmes, en revanche, la réponse est loin d’être évidente, il s’agira probablement d’une appréciation au cas par cas.
8. La représentation
La réforme du droit des contrats apporte également son lot de nouveautés en matière de représentation.
L’article 1161 du Code civil dispose :
« Un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté.
En ces cas, l’acte accompli est nul à moins que la loi ne l’autorise ou que le représenté ne l’ait autorisé ou ratifié. »
Il prohibe donc deux types de représentation :
· la représentation est impossible si le représentant agit dans l’intérêt du représenté et dans son intérêt ;
· la représentation est impossible si le représentant agit dans l’intérêt des deux parties au contrat pour lequel il s’entremet.
Dans ce dernier cas, la représentation est nulle sauf si la loi y déroge par des dispositions spéciales ou si le représenté l’a accepté expressément
Une telle prohibition est novatrice et, à dire vrai, assez problématique. Pensons, tout d’abord, au contrat de courtage dans lequel le courtier représente souvent les deux parties (cela correspond à la deuxième hypothèse).
S’agissant du droit des sociétés, cela pose la question des contrats/conventions (pour rappel ces deux termes veulent dire la même chose) passés entre une société et son dirigeant ou ses associés. Pour les sociétés de capital comme les SA, SAS, SARL, cela ne change, a priori, rien car ces conventions sont réglementées, c’est-à-dire encadrées par la loi quant à leur fonctionnement (L 225-38 pour les SA par exemple). En conséquence, le droit spécial écarte le droit commun.
Néanmoins, pour les sociétés pour lesquelles ces types de conventions ne sont pas réglementées, c’est-à-dire les sociétés de personne, telles que les SNC ou les sociétés en commandite simple, il faudra faire application de l’article 1161. Cela suppose donc qu’une convention conclue entre le dirigeant et la société est interdite par principe car le dirigeant est à la fois représentant de la société et partie à la convention (donc cela correspond à la première hypothèse). De même, une convention conclue entre un associé et la société est interdite si le dirigeant représente aussi l’associé (cela correspondant à la seconde hypothèse). Une autorisation de l’Assemblée Générale est alors nécessaire pour que de telles conventions puissent être conclues.
9. L’imprévision
La réforme du droit des contrats vient mettre un terme à l’application de la jurisprudence « Canal de Craponne » du 6 mars 1876 qui refusait de réviser le contrat en cas d’imprévision au nom du principe d’intangibilité des conventions.
Cette admission de l’imprévision doit être accueillie favorablement, la jurisprudence « Canal de Craponne » étant beaucoup trop rigoureuse et non respectueuse de la volonté des parties.
L’imprévision est introduite dans le Code civil en son nouvel article 1195. Cette possibilité est subordonnée à la réunion de trois conditions : il faut, d’une part, qu’il y ait un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat, d’autre part, que ce changement rende l’exécution excessivement onéreuse pour une partie et, enfin, que cette partie n’ait pas accepté d’en assumer le risque.
10. La durée du contrat
Pour le contrat à durée déterminée (article 1212 et suivants du Code civil), trois modes d’extension de sa durée de vie sont envisagés par le Code civil et la réforme
La prorogation du contrat est désormais définie à l’article 1213 comme la modification du terme du contrat avant son expiration.
L’article 1214 du code civil envisage le cas du renouvellement. Et c’est ici une véritable innovation inspirée du droit social. L’alinéa 2 de cet article prévoit ainsi que dans l’éventualité du renouvellement d’un contrat à durée déterminée dans des termes strictement identiques, alors celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.
Enfin, l’article 1215 donne une définition de la tacite reconduction, que le code ne définissait pas non plus auparavant. Là encore, le législateur innove quant à son régime car elle suit celui du renouvellement. Dès lors, si le contrat se maintient ne serait-ce qu’un jour après son terme, alors il devient un contrat à durée indéterminée.
Attention toutefois, le renouvellement n’entraîne pas celui de l’accessoire, notamment des sûretés.
11. Cession de contrat
Jusqu’à la réforme, la cession de contrat s’analysait comme une cession de créance et de dette simultanée ou, plus exactement, comme une cession de créance et une novation par changement de débiteur car la cession de dette était impossible.
Aujourd’hui, un nouveau montage juridique apparaît aux articles 1216 et suivants du Code civil, puisque la cession de contrat ne s’analyse plus comme cette double cession mais comme la substitution d’une partie par un tiers sans modification du lien contractuel. Le terme cession de contrat est trompeur, car ce n’est pas le contrat qui est cédé, en réalité, mais la qualité de contractant. Il ne s’agit donc pas d’une cession mais d’une substitution.
Pour pouvoir réaliser cette opération, il faut néanmoins respecter un certain nombre de conditions.
Tout d’abord, un écrit est indispensable, celui-ci étant exigé ad validitatem contrairement à la cession de dette.
Il faut également obtenir le consentement du cocontractant cédé. Ce consentement peut néanmoins être donné par avance dans le contrat une fois pour toute. Si le consentement est donné à l’avance il faudra tout de même lui notifier la cession mais cette notification n’est exigible qu’aux fins d’opposabilité et non ad validitatem.
Cette cession a pour effet de libérer le contractant ayant cédé son contrat, le cédant, qui doit obtenir l’accord express du contractant cédé, sans quoi il est débiteur solidaire avec le cessionnaire.
Il faut donc deux accords distincts du débiteur cédé, un accord de céder le contrat et un accord de libérer le cédant.
Les exceptions personnelles du cédant ne pourront être opposées par le cessionnaire, en revanche le contractant cédé pourra opposer toutes les exceptions qu’il aurait pu opposer au cédant.
Un tel mécanisme pourrait trouver des utilités en droit des sociétés. On pourrait penser qu’au lieu de céder des parts ou actions, on se substitue à une personne associée ou actionnaire. Il faudrait toutefois un accord préalable dans les statuts, car la société est le débiteur cédé.
Un tel schéma permettrait notamment d’éluder la question des droits d’enregistrement normalement exigibles pour une telle opération.
Cela demeure cependant purement théorique dans la mesure où l’administration fiscale s’y opposerait très certainement en considérant qu’il s’agit là d’une fraude à la loi.
12. Les sanctions de l’inexécution du contrat
Il y a désormais une partie consacrée aux sanctions de l’inexécution du contrat dans le code civil aux articles 1217 et suivants. L’article 1217 liste ces sanctions qui sont respectivement
· l’exception d’inexécution,
· l’exécution forcée,
· la réduction du prix,
· la résolution du contrat,
· la demande de réparation des conséquences de l’inexécution,
La force majeure est également définie à l’article 1218 du Code civil. Elle semble inclure le cas fortuit et le fait d’un tiers du moment que les critères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité sont remplis, l’extériorité étant abandonnée suivant la jurisprudence dominante en la matière (Cass. Ass. Plén., 14 avr. 2006, 02-11168).
L’imprévisibilité s’apprécie au moment de la conclusion du contrat.
L’irrésistibilité s’entend raisonnablement, les mesures appropriées n’ayant pas permis de résister à l’évènement.
Si l’empêchement est uniquement temporaire, le contrat est suspendu, sauf si la suspension n’est pas possible au vu de l’objet du contrat en raison des conséquences engendrées par le retard, la résolution étant dès lors la seule alternative.
L’article 1219 consacre l’exception d’inexécution de manière classique. D’une manière plus novatrice, l’article 1220 prévoit une faculté d’exception d’inexécution par anticipation. Le débiteur peut en effet suspendre l’exécution de son obligation s’il est manifeste que son cocontractant ne s’exécutera pas à l’échéance et que les conséquences sont suffisamment graves.
L’exécution forcée en nature envisagée à l’article 1221 du code civil devient désormais la règle. L’exécution forcée peut être demandée après mise en demeure. Elle sera appliquée sauf impossibilité ou coût manifestement excessif. L’impossibilité s’applique notamment pour les prestations de service, aussi si l’architecte ne veut pas s’exécuter il ne peut y être forcé. Cependant il est possible de déroger à l’impossibilité en procédant à une exécution par équivalent ou par un tiers envers lequel celui qui ne s’est pas exécuté est désormais débiteur.
La réduction du prix prévue à l’article 1223 est une véritable innovation. Elle consiste en une révision du contrat. Il s’agit là de l’extension d’une règle spécifique qui existait déjà en droit de la vente. Toutefois et c’est là l’innovation majeure, le créancier n’a pas à solliciter le juge, tout au plus doit-il seulement mettre en demeure son débiteur de s’exécuter, puis celle-ci étant restée infructueuse, accepter l’exécution imparfaite et notifier sa décision de réduire le prix en la motivant. Ce mécanisme est similaire à la réfaction du prix en matière commerciale jusque là interdit en matière civile.
La résolution du contrat résulte selon l’article 1224 soit d’une clause résolutoire, soit en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. Il y a donc trois types de résolution du contrat :
– la clause résolutoire qui peut être acquise après mise en demeure et constatée par le juge des référés
– la résolution unilatérale, qui peut s’effectuer après mise en demeure si l’inexécution du débiteur est suffisamment grave et doit être notifiée en la motivant au débiteur. Celle-ci s’opère donc aux risques et périls du créancier qui doit apprécier avec prudence si l’inexécution est suffisamment grave sous peine d’être sanctionné par le juge.
– la résolution judiciaire décidée par le juge du fond.
La véritable innovation plutôt bienvenue est bien entendue la résolution unilatérale, les deux autres mécanismes étant parfaitement classiques.
Les dommages et intérêts est une sanction classique subordonnée à la démonstration d’un préjudice qui présente l’avantage de pouvoir se cumuler aux autres sanctions. On notera toutefois qu’ils ne pourront pas se cumuler avec la clause pénale et qu’en cas d’une telle clause la somme qui devra être allouée par le juge ne pourra ni être plus forte ni moindre à cette clause, sous réserve du pouvoir de révision du juge de ladite clause.